Il convient d'abord d'écarter certains mythes liés aux téléphones portables.
Mais en écartant ces mythes nous nous rappellerons que c'est nous, nous-mêmes
qui les avons développés pour nous même. C'est une illusion que nous maintenons
contre toutes les évidences. Nous voulons croire que nous utilisons un
téléphone. Ce n'a jamais été le cas.
- Mythe 1 : Les téléphones portables servent à parler
Au début, c'est ainsi que les portables ont été présentés: la possibilité de
parler à nos proches/collègues à tout moment, en quelque lieu que nous soyons.
Si professionnellement ça peut vaguement se justifier pour certaines activités
très précises (vendeurs-représentants), personne n'a jamais utilisé son
téléphone en ce sens. Bien sûr on appelle un ami, de la famille, quand on marche
sur le trottoir, dans le train, ou pour les plus irresponsables depuis nos
voitures. Mais le propos n'est jamais d'avoir une conversation: il s'agit de
préciser une heure d'arrivée, une question pratique, un retard éventuel, une
annonce de ponctualité, une confirmation. Ce n'est pas de la communication, avec
un échange d'idée et d'opinions, c'est un échange factuel destiné à clarifier.
- Mythe 2 : Les téléphones permettent d'être joignable
L'argument central en faveur du prétendu téléphone est la possibilité d'être
accessible à tout moment ou que nous soyons. Si nous écoutons les zélateurs de
cet usage, notre vie est en danger si nous n'avons pas de moyens d'être
contactés. Certains vieillards sur des bancs vermoulus, ou des animateurs de
journaux télévisés racontent qu'Untel était perdu dans les bois quand il a pu
laisser un message. Plus souvent, Untel avait crevé sur la nationale, mais grâce
à son téléphone il a appelé un dépanneur. Encore plus régulièrement, au point
que c'est devenu une blague, un cliché, un point d'ancrage des mauvais comiques
: le téléphone permet de savoir s'il faut ramener du pain de la boulangerie.
Cette blague persiste depuis si longtemps parce qu'elle illustre parfaitement
l'absence totale d'utilité de téléphone. Le seul moyen de l'utiliser dans sa
fonction salvatrice d'être joignable tout le temps, et de l'utiliser au moment
trivial de faire les commissions. Rien d'un outil pour sauver des vies, tout
juste un sauvetage du repas du soir.
Ces deux mythes sont révélés comme tels, par l'usage réel des téléphones. Les
portables ont commencé à devenir omniprésents début 2000 quand les textos ont
fait leurs apparitions. À partir de là, ce « téléphone » est devenu notre outil
préféré. Parce qu'il permet, non pas ,de téléphoner (c'est tout au plus une
fonction accessoire agréable, comme la photo, ou le lecteur de musique), mais
surtout de communiquer par texte.
Parce que l'outil que nous voulons avec nous à tout instant est un simple
ordinateur. Sa fonction n'a jamais été de communiquer. Sa fonction est de nous
distraire. Sa fonction est au contraire de couper, d'empêcher, d'interdire même,
toute communication avec notre entourage.
Parce que nous sommes assaillis de stimulus sociaux, parce qu'il y a du monde
partout dans les rues, les métros, aux cafés, sur les bancs. Trop de personne,
dont nous souhaitons à tout prix nous soustraire : on sort son ordinateur de
poche. Tranquille.
Il y a une raison pour laquelle les autres formes d'ordinateur de poches ne
marcheront jamais (je le dis ici pour dans 50 ans). Les lunettes de google, les
montres d'apple, les colliers, bagues, ou même les vêtements avec connexions
WiFi qu'un futur inventeur se hâtera de créer en espérant répliquer le succès de
l'ordinateur de poche qui a pris le nom de « téléphone » ; tous ces accessoires
ne marcheront jamais. Il a fallu la connexion d'un ordinateur avec l'illusion de
prétendre qu'il s'agit d'un téléphone pour que nous utilisions des ordinateurs
de poches.
Parce que :
- Mythe3 : Nous souhaitons être connectés
L'ordinateur de poche nous convient parce qu'il évite le rapprochement, la
proximité avec l'entourage direct. Le téléphone permet de nous extraire de la
société. Pour cela qu'il devient de plus en plus grand : pour cacher à nos yeux
le reste du monde. Pour cela qu'il contient des jeux ennuyeux et répétitifs,
parce qu'il ne s'agit pas de s'amuser, mais de passer le temps hors de chez soi
en gardant l'illusion de rester chez soi. Pour cela qu'il doit être connecté :
parce qu'il faut pouvoir vérifier sur internet l'auteur d'une chanson, le nom
d'un acteur, la météo du jour, plutôt que de continuer la discussion à propos de
la chanson, du film, ou du temps du jour. Tout pour ne pas interagir. Tout pour
nous déconnecter du réel.
C'est pour cela que le seul gadget qui nous permet d'utiliser un ordinateur
de poche au quotidien ne peut être qu'un objet mythique qui prétend enrichir nos
relations. On l'a appelé « téléphone » parce qu'on ne parle à personne avec .
Nous l'utilisons pour tous les moyens par lesquels il nous distance des autres.
Pour rester loin. Et nous refusons d'admettre cette réalité, parce qu'elle
revient à admettre que nous sommes des goujats.