mercredi 16 mars 2016

Gilgamesh est le récit d'une très très très vieille tradition orale






Il n'y a aucun récit célèbre dans l'histoire de l'humanité qui parle d'amitié.
Don Quichotte est plus le maitre de Sancho Panza, ou l'un est le faire-valoir de l'autre. Achille et Patrocle sont amants. Bouvard et Pecuchet sont les deux facettes de la même pièce, presque un seul individu.

L'amitié n'est pas un sujet de roman, même pas une bonne histoire. Au mieux elle cache un amour secret, au pire, ce n'est que la façon de séparé un personnage en deux.

Sauf pour la toute première histoire de tous les temps : L'épopée de Gilgamesh.

S'il faut raconter la première histoire que l'humanité a jamais écrite : alors c'est histoire de deux amis qui se rencontrent.
Gilgamesh est roi de Sumer. Civilisé, policé et puissant. Pour calmer son orgueil, les dieux créaient un être fruste, indomptable et tout aussi puissant : Enkidu.

Ce n'est pas un hasard que la première histoire de tous les temps soit la rencontre de 2 êtres dissemblables qui se liront d'amitié. C'est parce que cela a dû être l’histoire la plus perturbante de l'humanité, une histoire si perturbante qu'elle nous fascine encore alors que nous avons oublié l'avoir déjà vécu : la rencontre d'une autre race intelligente.

Il y a 40 000 ans, les Sapiens ont la peau noire. Ils sont fragiles, leur seule façon de survivre consiste à rester en groupe social et à chasser en épuisant leur proie. Des coureurs de fond sans fourrure pour les empêcher de transpirer avec des os légers et la pupille blanche qui permet d'indiquer en silence ce que l'on regarde.
Un jour, ils rencontrent une espèce complètement différente. Neandertal vit au nord, il a la peau claire pour absorber le soleil, ses muscles et ses os sont épais, il est lourd, il court mal. Ils vivent un tout petit groupe parce qu'ils sont puissants. Ils digèrent tout.

La rencontre est si traumatisante que les descendants la racontent pendant des milliers d'années au coin du feu. 
C'est pour cela qu'Enkidu est un homme des bois qui parlent aux animaux, c'est ainsi que les Sapiens ont vu Neandertal qui vivait en famille plutôt qu'en tribu. À manger parmi les bêtes avec sa mâchoire puissante.

Comme Gilgamesh apprivoise Enkidu en lui offrant une femme, les Sapiens ont dû agir de même. Nous en sommes le résultat.

Quand Sapiens  et Neandertal décident de vivre ensemble, les Sapiens décident de leur apprendre leur technique de chasse à la course. C'est exactement la façon dont Gilgamesh tue le monstre Humbaba : il l'épuise à la course. Que fait Enkidu, le guerrier invincible ? Participe au combat ? Non ! Les Neandertal ne sont pas fabriqués pour courir si longtemps, ils ont trop de fourrure, des os trop lourds. Enkidu encourage son ami à poursuivre le monstre Humbaba, jusqu'à ce que ce dernier s'effondre « vaincu par la tempête ». Parce que c'est comme cela que Sapiens a toujours tué ses proies : il les poursuit des heures jusqu'à ce que ces dernières épuisées ne puissent plus rafraichir leur corps, et tombent épuisées à bout de souffle. Soufflant comme des tempêtes.

Enkidu comme Neandertal meurent.
 La rencontre avec Sapiens a été fatale. Ils ne se sont pas éliminés. Au contraire, ils ont pu se reproduire entre eux. Seulement Neandertal est une espèce solitaire. Il n'a pas les défenses immunitaires de Sapiens. 
Sapiens vit en troupeau depuis des millénaires les virus ne l'affectent plus trop. Mais dès que Neandertal attrape ses maladies, tout comme les Indiens d'Amérique, les solitaires se font décimer  par la variole, la grippe, la tuberculose...

Gilgamesh est une épopée épique. Le héros affronte des monstres, va en enfer, ramène la plante d'immortalité volée au dieu. Tout cela parce qu'Enkidu est mort.
Enkidu, l'ami de Gilgamesh, l'être qui parle aux bêtes, l'être le plus puissant meurt de la façon la moins épique : il tombe malade, et après une longue agonie s'éteint. 

Cela ne s'invente pas, cela n'est pas romanesque : C'est la réalité. Neandertal est mort tué par les maladies de Sapiens. Partout, tout le temps, jusqu'à sa disparition totale, et l'histoire a été si traumatisants pour Sapiens qui a vu une espèce amie et différente s'éteindre sous ses yeux, qu'ils en ont préservé pour nous l'histoire. Mais nous n'avons jamais plus la ré-écrire, parce que l'expérience de rencontrer une race alien a été oublié.