mercredi 16 décembre 2015

Les paradoxes de Clio et Rami



Comme tous les ans je vais publier une nouvelle histoire de Clio et Rami.
La série de 4 histoires précédentes, reliées dans « Enquêtes Antiques », finit avec une menace très concrétée sur l'héroïne.
La nouvelle série qui commence avec « Le glitch de Guillaume le Conquérant » explorera plus attentivement les soucis de Clio et de l'agence qui utilise le voyage dans le temps.
Le titre de cette nouvelle série de quatre courts récits sera sans doute « Mélodrames Médiévaux ». Les malheurs y seront sans doute nombreux, et chacune des histoires sera centrée sur un personnage de l'époque médiévale : après la domination romaine et avant la découverte de l'Amérique.
J'envisage de terminer l'histoire complète dans la dernière série qui se nommera sans doute « Complots Contemporains » et qui mettra Clio aux prises avec les plus grands meurtres contemporains. Cela clôturera l'intrigue secondaire du Bureau et des agents qui tentent de s'emparer, ou de détruire, la capacité de voyage dans le temps.

Durant les quatre premiers récits déjà parus, j'ai utilisé quelques paradoxes pour faciliter, ou expliquer le voyage dans le temps qui est au coeur de l'histoire, mais qui reste un outil plutôt qu'un réel élément actif.

Le premier paradoxe est celui que je nomme la « mémoire en avant ». L'idée étant que les atomes qui composent Clio existait déjà dans le passé où elle se rend.
Confrontés à cette présence à la fois sensiblement appartenant à leur époque, et à la fois ayant été transformée au cours du temps pour former la Clio du futur, les habitants du passé ont une perception « nuageuse » de Clio.
C'est l'explication que je donne brièvement dans chaque récit. C'est juste un moyen de justifier en quelques phrases qu'une inconnue comme Clio puisse accéder au palais des rois sur la mort desquels elle enquête. Mais au-delà de l'aspect pratique pour raconter le récit (ne pas perdre de temps en sous-intrigue pour opérer tel ou tel interrogatoire) ; il y a dans l'idée, le concept impossible que les atomes qui composent la Clio du Futur, puisse reformer une Clio identique dans le passé. Ils retrouvent dans le passé, leur forme future. C'est sans doute la même idée avec laquelle je m'amuse à propos de Jean de la Fontaine et sa flèche du temps dans L'agneau et le loup.

Le second paradoxe apparait dans « qui a tué Jules César ? » C'est un hommage direct — la formulation reprend même en partie la formulation de l'original — au paradoxe crée par J.L. Borges dans « Tlon, Uqbar, Orbis tertius ».
Borges bien sûr est génial. Il postule un monde dans lequel les individus ignorent les relations de causalité Uqbar. Dans ce monde, les chercheurs proposent un paradoxe : Paul perd 9 pieces d'or sur le chemin. Pierre en retrouve 4 sur le chemin. Jean en trouve 2 le lendemain, et Paul retrouve les 3 manquantes chez lui. Le paradoxe n'a bien sûr aucun sens dans notre monde ou la causalité existe. Mais pour un monde sans causalité, il est inconcevable que le nombre de pièces trouvées soit le même que celui perdu.
J'ai repris l'idée centrale dans mon récit en l'appelant le « paradoxe botanique » : si on sème une graine dans le passé. Et que cette graine donne une fleur. Le seul moyen pour nous de semer cette graine c'est si la fleur nous a donné cette graine précisément dans le futur. C'est une autre formulation du cercle indépendant dans le temps. L'idée que rien ne peut être changé. Celle qui sous-tend l'intrigue de l'armée des douze singes. Le « paradoxe » étant que ce cercle d'existence n'a aucune raison d'être, ou d'être brisé. C'est une impossibilité tautologique. Clio tente de résoudre le paradoxe, j'ignore si je suis parvenu à rendre sa solution satisfaisante.

Le dernier paradoxe est moins un paradoxe, qu'une présentation de l'étrangeté des animaux. Mais c'est encore une trouvaille de Borges. Je croyais à torts que c'était une observation de mon invention, et c'est en relisant la nouvelle « le Sud » de l'auteur que je me suis aperçu du vol.
Dans « qui a tué Toutankhamon ? » je prétend que Rami, le chat, est offusqué que les humains perçoivent, par défaut, le temps comme une suite séquentielle. Sa façon à lui de percevoir le temps comme simultanée lui permet de découvrir avant Clio comment Toutankhamon est mort. J'étais très fier de cette idée que le chat voyait le temps comme un tout. Et pour cause, l'idée n'est pas de moi. Borges, dans le Sud, parle d'un chat pour qui le temps est continu.
Dans mon récit, confronté à l'observation de deux blessures sur la victime, Clio assume qu'elles sont consécutives. Le chat habitué à prendre les événements simultanément comprend qu'elles sont simultanées.

Voilà, j'espère que les 7 récits à venir auront moins d'emprunts à Borges.





mercredi 18 novembre 2015

Où vont les fusées de Gattaca?








Dans le film Gattaca (1997), les noms ont une signification. Ainsi Eugène, l'homme parfait auquel le héros prend les fragments d'ADN est celui qui a les « gènes ». Vincent, prononcé en anglais « win-cent » est celui qui « gagne sans » (sous entendus sans les gènes).
Ce sont des noms étranges, européens, parce que leur sonorité et l'implication dans l'histoire sont importantes. Pourtant le nom le plus étrange est celui de l'organisme spatial. Pourquoi un organisme spatial prendrait-il un nom composé des éléments de la double hélice d'ADN ? C'est comme si la NASA décidait de prendre un nom basé sur les écoles prestigieuses ou elle recrute ses membres.
De plus, si l'on choisit un nom basé sur les éléments d'ADN pourquoi un nom aussi long pourquoi ne pas prendre simplement les 4 bases GATC. Si l'on veut composer un mot qui sonne mieux pourquoi celui-là, plutôt que GATAC (qui évoque l'attaque), ou AGACT (qui peut se prononcer comme « A gate » ou « la porte », sous-entendue « vers les étoiles »), ou n'importe quelle autre combinaison ?
Gattaca est une agence spatiale. Rien de plus. Son nom pourtant n'évoque aucune conquête. Si on prend en compte que le « A » en anglais se prononce souvent « é ». Alors Gattaca peut se prononcer comme « Get a Key ». Trouve la clé.

Gattaca n'est pas une agence spatiale.
 La mission sur Titan est mal préparée, il suffit d'envoyer une simple sonde pour déterminer ce qui se cache sous la couche de nuage que Vincent illustre en soufflant la fumée de sa cigarette sur son verre de vin.
Vincent promet de revenir 1 an plus tard. Pourtant on n'a aucun voyageur qui semble être revenu de son voyage spatial. On pourrait penser que Vincent passionné par l'espace aurait à coeur d'interroger une de ses idoles pour savoir ce qui se passe là-haut. 
Gattaca veille avec passion à s'assurer la valeur génétique de ses employés. Si la prise de sang pour entrée peut s'assimiler à un simple contrôle d'identité remplaçant un contrôle de carte comme on en aurait actuellement, le reste des contrôles est superflu.
 Pourquoi vérifier l'état génétique des employés dans leurs exercices physiques ? Le responsable de l'agence prétend qu'il s'agit de s'assurer que chacun des membres atteint son potentiel. Mais alors, pourquoi imposer aux hommes qu'elle envoie dans l'espace de fréquent contrôle d'urine. Aucun potentiel ne change d'un contrôle d'urine à l'autre.

Gattaca sélectionne les meilleurs éléments de l'espèce humaine. Elle les envoie avec régularité sur d'autres planètes. Aucun ne semble jamais revenir. Gattaca  a une mission eugénique qui s'expose par son nom en plus de ses pratiques. Il y a deux possibilités à la réelle fonction de l'agence. Soit, elle traque les meilleurs humains pour créer une société d'homme « parfait » sur d'autres planètes. Soit, et c'est sans doute sa véritable fonction, elle les envoie à une mort certaine.
Après tout, si vous aviez le moyen de sélectionner tous les êtres supérieurs à vous. Votre première réaction serait sans doute de les envoyer mourir au loin. Pour cela que le plan ou Eugene se suicide correspond au plan ou Vincent part dans la fusée. Les flammes du  réacteur de la fusée reflètent les flammes de la chambre de crémation.
Vincent part pour mourir comme meurent tous ceux qui embarquent dans les fusées qui partent régulièrement. Pour cela que personne à bord de ces fusées n'est équipé de scaphandre.



mercredi 14 octobre 2015

Le film "Ex Machina" est un conte merveilleux




Le film « ex machina » prétend être la ré-écriture du vieux mythe français de Barbe bleu. Il ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet. L'inventeur est caractéristique avec une barbe fournie, jamais encore vu au cinéma. Le nom de la société qui l'a rendu riche est « bluebook ». C'est bien entendu un clin d'oeil à facebook. C'est aussi bleu parce que les compagnies technologiques utilisent le même bleu dans leur logo (twitter, microsoft, facebook, et c'est même la seule couleur répétée chez le multicolore google). Mais c'est surtout bleu parce que le film raconte l'histoire de barbe bleue :
Un riche homme demande à son épouse de ne pas ouvrir une pièce du château. Quand elle ouvre cette pièce, elle découvre les cadavres des femmes précédentes de l'homme. Comme Caleb découvre les premières versions du robot.

L'histoire est fantastique. Dans le sens qu'elle ne prétend pas à la véracité du propos, mais à enseigner une morale, faire passer un message. Tout comme le conte de barbe bleue veut communiquer que la curiosité est un vilain défaut. Dès le début le film postule le fantastique de son propos par la première ligne parlée :
L'empire de Nathan s'étend déjà sur 2 heures de vol. C'est impossible. Un hélicoptère vole facilement à 200km/h. En deux heures cela fait 400 km. Si l'on considère que l'hélicoptère atteint le centre de la propriété par la route la plus courte, on doit admettre que la propriété s'étend encore sur au moins 400 km des autres côtés. Cela fait un terrain de plus de 800 km par 800. Plus grand que la France, sous une latitude tempérée propre à l'agriculture avec des réserves d'eau. Un particulier, aussi riche soit-il, ne peut posséder un terrain de la surface d'un pays. Tout cela n'est pas réel, dit le film. Ceci est un conte improbable qui reprend les éléments du conte de Barbe Bleue. Mais l'enseignement, ici, est différent.

Parce que justement, Nathan représente trop parfaitement Barbe Bleue. Il faut admettre qu'il s'agit d'une diversion. Comme il nous rappelle qu'il en fit une en déchirant le dessin. Diversion pour cacher une caméra. Diversion, pour dissimuler le vrai Barbe Bleue du film : la muette Kyoko.
D'abord bien évidemment parce que c'est elle la meurtrière. Comme Barbe Bleue dans le conte.
C'est pour cela qu'on la voit danser en parfaite synchronisation avec Nathan, pour montrer visuellement l'identité des deux personnages. C'est pour cela que Nathan frappe Kyoko à la mâchoire, et lui ôte la moitié basse du visage : pour lui enlever la Barbe Bleue invisible, pour éliminer le monstre en elle.
Et après tout, c'est Kyoko aussi qui a tué les femmes précédentes en héritant de leur mémoire.

Mais si Kyoko est Barbe Bleue, tuée par Nathan l'autre Barbe Bleue officiel en lui ôtant sa Barbe Bleue/mâchoire avant de mourir à son tour, la morale du conte devient limpide, simple et optimiste : Le danger n'est pas les robots, les IA, les moteurs de recherche intrusifs, et les opérateurs de téléphone qui capturent nos images à notre insu. Le danger c'est notre part d'ombre, notre monstre intérieur, notre Barbe Bleue qui causera fatalement notre perte parce que nous avons préféré garder cette part de nous à nos côtés, par plaisir, par facilité. C'est notre côté obscur le réel danger.


mercredi 16 septembre 2015

Les téléphones portables n'ont jamais eu de succès




Il convient d'abord d'écarter certains mythes liés aux téléphones portables. Mais en écartant ces mythes nous nous rappellerons que c'est nous, nous-mêmes qui les avons développés pour nous même. C'est une illusion que nous maintenons contre toutes les évidences. Nous voulons croire que nous utilisons un téléphone. Ce n'a jamais été le cas.

  • Mythe 1 : Les téléphones portables servent à parler
Au début, c'est ainsi que les portables ont été présentés: la possibilité de parler à nos proches/collègues à tout moment, en quelque lieu que nous soyons. Si professionnellement ça peut vaguement se justifier pour certaines activités très précises (vendeurs-représentants), personne n'a jamais utilisé son téléphone en ce sens. Bien sûr on appelle un ami, de la famille, quand on marche sur le trottoir, dans le train, ou pour les plus irresponsables depuis nos voitures. Mais le propos n'est jamais d'avoir une conversation: il s'agit de préciser une heure d'arrivée, une question pratique, un retard éventuel, une annonce de ponctualité, une confirmation. Ce n'est pas de la communication, avec un échange d'idée et d'opinions, c'est un échange factuel destiné à clarifier.

  • Mythe 2 : Les téléphones permettent d'être joignable
L'argument central en faveur du prétendu téléphone est la possibilité d'être accessible à tout moment ou que nous soyons. Si nous écoutons les zélateurs de cet usage, notre vie est en danger si nous n'avons pas de moyens d'être contactés. Certains vieillards sur des bancs vermoulus, ou des animateurs de journaux télévisés racontent qu'Untel était perdu dans les bois quand il a pu laisser un message. Plus souvent, Untel avait crevé sur la nationale, mais grâce à son téléphone il a appelé un dépanneur. Encore plus régulièrement, au point que c'est devenu une blague, un cliché, un point d'ancrage des mauvais comiques : le téléphone permet de savoir s'il faut ramener du pain de la boulangerie. Cette blague persiste depuis si longtemps parce qu'elle illustre parfaitement l'absence totale d'utilité de téléphone. Le seul moyen de l'utiliser dans sa fonction salvatrice d'être joignable tout le temps, et de l'utiliser au moment trivial de faire les commissions. Rien d'un outil pour sauver des vies, tout juste un sauvetage du repas du soir.

Ces deux mythes sont révélés comme tels, par l'usage réel des téléphones. Les portables ont commencé à devenir omniprésents début 2000 quand les textos ont fait leurs apparitions. À partir de là, ce « téléphone » est devenu notre outil préféré. Parce qu'il permet, non pas ,de téléphoner (c'est tout au plus une fonction accessoire agréable, comme la photo, ou le lecteur de musique), mais surtout de communiquer par texte.

Parce que l'outil que nous voulons avec nous à tout instant est un simple ordinateur. Sa fonction n'a jamais été de communiquer. Sa fonction est de nous distraire. Sa fonction est au contraire de couper, d'empêcher, d'interdire même, toute communication avec notre entourage.
Parce que nous sommes assaillis de stimulus sociaux, parce qu'il y a du monde partout dans les rues, les métros, aux cafés, sur les bancs. Trop de personne, dont nous souhaitons à tout prix nous soustraire : on sort son ordinateur de poche. Tranquille.

Il y a une raison pour laquelle les autres formes d'ordinateur de poches ne marcheront jamais (je le dis ici pour dans 50 ans). Les lunettes de google, les montres d'apple, les colliers, bagues, ou même les vêtements avec connexions WiFi qu'un futur inventeur se hâtera de créer en espérant répliquer le succès de l'ordinateur de poche qui a pris le nom de « téléphone » ; tous ces accessoires ne marcheront jamais. Il a fallu la connexion d'un ordinateur avec l'illusion de prétendre qu'il s'agit d'un téléphone pour que nous utilisions des ordinateurs de poches.

Parce que :

  • Mythe3 : Nous souhaitons être connectés
L'ordinateur de poche nous convient parce qu'il évite le rapprochement, la proximité avec l'entourage direct. Le téléphone permet de nous extraire de la société. Pour cela qu'il devient de plus en plus grand : pour cacher à nos yeux le reste du monde. Pour cela qu'il contient des jeux ennuyeux et répétitifs, parce qu'il ne s'agit pas de s'amuser, mais de passer le temps hors de chez soi en gardant l'illusion de rester chez soi. Pour cela qu'il doit être connecté : parce qu'il faut pouvoir vérifier sur internet l'auteur d'une chanson, le nom d'un acteur, la météo du jour, plutôt que de continuer la discussion à propos de la chanson, du film, ou du temps du jour. Tout pour ne pas interagir. Tout pour nous déconnecter du réel.

C'est pour cela que le seul gadget qui nous permet d'utiliser un ordinateur de poche au quotidien ne peut être qu'un objet mythique qui prétend enrichir nos relations. On l'a appelé « téléphone » parce qu'on ne parle à personne avec . Nous l'utilisons pour tous les moyens par lesquels il nous distance des autres. Pour rester loin. Et nous refusons d'admettre cette réalité, parce qu'elle revient à admettre que nous sommes des goujats.





mercredi 19 août 2015

Les Minions n'ont jamais trouvé Gru.



Il y a dans le film qui met en scène les Minions beaucoup d'incohérences. Pour commencer, on a appris dans le premier : "Moi, môche et méchant" (Despicable Me), que Gru a fabriqué les minions à partir de grain de maïs et avec l'aide du professeur. Ce n'est pas une espèce spontanée, née pour servir, ils ont été construits ainsi par Gru.

Le film adresse directement cette incohérence avec le premier film. Il le fait de façon explicite, en multipliant les indices : Kevin est en train de rêver. Et c'est une fille.

Le film commence quand Kevin décide de pourchasser quelque chose, une idée, rien de plus. Trouver un maitre, dit la voix off. Nous comprenons qu'il ne s'agit que d'un rêve. Kevin est pressé de partir, Kevin pourchasse un lapin blanc.

Kevin est une fille, parce que tout le film est, scène pour scène, une relecture d'Alice au pays des merveilles.

Le premier indice du rêve et ce classique que chacun a déjà éprouvé en dormant : la terreur irrationnelle de parler en public. Kevin lit ses fiches, mais personne ne réagit. Sans que l'on sache pourquoi elle lâche ses fiches. Soudain, son discours galvanise. Parce que c'est un rêve — Pas un cauchemar —, la terreur se résout d'elle-même.

La preuve formelle qu'il s'agit d'une évocation du fameux livre de Lewis Caroll se situe vers la fin du livre. Comment Kevin survit-il sans dommage à une explosion provoquée par un missile ? Tous les Minions le croient mort, parce que l'explosion doit tuer tous ceux dans sa vicinité.

Kevin était géant, l'explosion l'a rendu petit de nouveau. Tout comme Alice a bu la bouteille pour rapetisser.

Le film n'explique pas la présence de cette machine à devenir géant. On n'a vu d'autre gadget, mais aucune mention d'un gadget aussi improbable. Il aurait pourtant été pratique pour voler la couronne. Cette machine miraculeuse qui apparait sans raison, Kevin l'active par erreur après plusieurs mouvements gauches. Ce n'est pas Kevin qui est gauche pourtant ! Depuis le début, c'est Bob à qui les accidents arrivent. Kevin finit d'activer la machine en soufflant dans un trou. Drôle de mécanisme d'activation, qui n'est là que pour rappeler à quoi cela sert de grandir et de rapetisser: passer par un trou. Comme pour Alice qui doit changer de taille pour poursuivre le lapin blanc.

Mais tout le film, rappelle régulièrement l'original. La scène sans justification, ni raison, des Minions jouant au polo sur des chiens, sert à signaler Alice jouant au cricket avec des flamants roses.
Le personnage sans raison de l'aveugle gardant la couronne royale ne sert qu'à évoquer la taupe avec qui Alice boit le thé.

La reine ! Tout le film concerne la reine, la vraie, et la méchante. La voleuse ne désire pas juste voler la couronne pour sa valeur, elle la désire pour devenir reine. Cela n'a aucun sens, la propriété de la couronne ne donne pas le titre. Mais c'est parce que la voleuse est l'ennemie de Kevin. Elle doit être reine parce qu'Alice a la reine de coeur comme ennemie.

Les Minions ne sont pas incompétents. Les Minions ne tuent pas leur maitre. Dans « Despicable Me », ils forment une chaine humaine en quelques secondes pour sauver Gru d'une chute mortelle. Les Minions sont efficaces.

Le film ne parle pas des Minions. Le film est un rêve. Le rêve de Kevin qui s'est endormi quand Gru a raconté l'histoire aux filles pour les endormir juste après les avoir recueillies chez lui ?

mercredi 15 juillet 2015

Les defenseurs de PirateBay.org au seizième siècle








Il y a quelques jours, le 10 juillet, se tenait, comme chaque année en Turquie, la fête de Nasreddine. Les aventures de ce farceur sont publiées courant du seizième  siècle. Mais la tradition orale raconte ces exploits depuis au moins le treizième et certaines de ses anecdotes sont déjà présentes un millier d'années plus tôt dans les fables d'Ésope.

Nasreddine est un coquin. Il fut mollah, juge religieux. Il fut battu. Il vola, et prononça des jugements subtils.
À plusieurs centaines de kilomètres de la Turquie, à Brunswick, près d'Hanovre, on raconte les aventures d'un individu semblable. Till Eulenspiegel (littéralement Till Hibou-Miroir) est un farceur. Toujours pauvre, toujours préparant un mauvais coup, volant, se faisant voler, trompant, arnaquant. Ses aventures sont publiées en 1515 à Strasbourg. Mais la tradition orale est antérieure.

Rabelais publie le Pantagruel au début de 1500. Dans un chapitre Panurge (célèbre pour ses moutons) ignore s'il doit se marier ou ne pas le faire. Pantagruel alors lui conseille de consulter Seigny Joan. Seigny Joan, dit-il, est un fou qui vit à Paris. Rien de mieux qu'un fou pour donner de bons conseils. Pour prouver la justesse du jugement de Seigny Joan, Pantagruel raconte une de ses aventures.

Cette aventure est semblable à un vécu par Till Eulenspiegel de l'autre côté du Rhin. C'est aussi la même qu'une de celle de Nasreddine des milliers de kilomètres plus loin :

Nasreddine, où un pauvre (selon le récit) fait mine de se régaler du fumet d'un rôtisseur qui cuit sa viande sur le marché. Excédé de la satisfaction qui se lit sur le visage de Nasreddine, le rôtisseur demande à ce qu'il lui paye le fumet de sa nourriture. Nasreddine, réfléchit un instant. Il sort sa bourse. Puis, il la secoue sous le nez du Rotisseur. Puis il s'en va. Le rôtisseur le retient par la manche réclamant le payement. « Avez-vous bien entendu mes pièces tinter dans ma bourse ?
— Oui.
— Alors vous avez été payé », dit Nasreddine. « Je me suis régalé du fumet d'un poulet, je vous ais payé du son de mon argent."

Voilà l'histoire qui confirme que Seigny Joan a un jugement exemplaire. Ou Till, ou Nasreddine. Cette histoire prétend mettre en avant l'apprêté au gain des commerçants. Elle prétend mettre en valeur les ressources d'ingéniosité que donnent la faim et la misère.

Pourtant ces trois histoires nous sont parvenues par des Nantis. Rabelais, comme les auteurs-compilateurs des histoires de Till Eulenspiegel et de Nasreddine sont des nobles. Ou de riches bourgeois. Ils n'ont jamais connu la faim. Pourtant ils partagent à travers le temps et l'espace un désir de raconter cette anecdote-là.

On peut imaginer qu'un récit semblable existe en Chine, en Amérique du Sud même peut-être. Ce récit n'a pas transgressé les frontières et les époques pour son message égalitaire ou social.

Entre les trois compères, Seigny, Till et Nasreddine, il n'y a pas que le récit du rôtisseur en commun. Il y a aussi leur rôle : chacun d'eux n'a pas de fonction propre, ils sont un coup juge, un coup voleur, un coup saltimbanque, vendeur d'eau, pétrisseur de farine, toujours prêt à tout, toujours sans le sou, toujours prêt à mentir et raconter une histoire.
Ces trois personnages sont des artistes.

Artistes, tout comme ceux qui ont publié leurs aventures.

 Rabelais, écrivain génial, a aimé cette histoire. Parce qu'elle parle du statut d'artiste. Elle explique que ce qui s'adresse aux sens (la fumée de la viande) n'a pas de possesseur.
Il est impossible de vendre ce qui s'adresse à un sens. On imagine sans peine la leçon que Rabelais nous tient. Par extension, on ne peut pas payer quelqu'un pour avoir regardé un tableau, ou écouté une symphonie. Voilà le coeur du message de l'anecdote. Voila pourquoi des artistes, nobles et riches, l'ont publié dés l'invention de l'imprimerie.

Une oeuvre d'art ne mérite pas d'autre payement que le bruit de l'or, ou la vue d'une pièce. Parce qu'une oeuvre d'art parle aux sens, elle n'est pas possédée, personne ne vole un tableau en le regardant.

Cinq siècles plus tard, cette maxime de Pantagruel a donné naissance au site Piratebay.org, qui distribue les oeuvres d'art au mépris des règles de copyright. Parce que Seigny Joan, Nasreddine, et Till Eulenspiegel, trois fous, trois artistes, trois juges, en trois endroits différents ont combattu l'injustice.



mercredi 24 juin 2015

Tlon, Uqbar, Orbis Tertius est un projet volontaire de Borges





Il est étonnant que Jorges Luis Borges ait intitulé « Fictions » le recueil qui contient la célèbre nouvelle « Tlon, Uqbar, Orbis Tertius ». La seconde surprise est le titre ésotérique de cette nouvelle. Nous allons voir que ces deux dénominations sont cohérentes et liées.

Pourquoi appeler un recueil « Fictions » ? Ce serait comme intituler un roman « Roman ». Certains présomptueux sans talent l'ont sans doute déjà fait. Mais « Fictions » n'a pas la même portée prétentieuse que « Roman ». Cela nuit à l'ouvrage, puisque le rôle de la fiction, c'est justement de donner l'illusion de la vérité. C'est pour cela que tant de fiction se présente comme des témoignages. Prévenir que ce que le lecteur va lire est une « fiction » défait même le propos du contenu du livre. Surtout que ce livre contient de nombreux récits d'autofiction (avant que le terme ne soit inventé), mettant en scène Borges, et prétendant à la vérité.

Borges a-t-il eu l'intention de ne pas nous tromper ? A-t-il écrit « Tlon, Uqbar, Orbis Tertius », qui raconte l'histoire de la découverte par Borges (l'auteur donc) d'une encyclopédie, qui n'existe qu'à un seul exemplaire, pour nous tromper : en se mettant en scène ? Puis, prit en quelque sorte de remords, a-t-il intitulé le recueil « fiction » pour ne pas nous tromper, et nous rappeler que tout est faux dans ce recueil ?

Non. La nouvelle, et toutes les autres ne sont pas croyables. Personne même en l'absence du titre « fiction » n'irait les prendre pour des témoignages. Un livre y génère des objets qui n'existent pas sur notre planète, un perçoit l'influence d'un homme inconnu, mais parfait à travers la mesquinerie des gens qu'il rencontre, un homme décide de réécrire Don Quichotte, mot pour mot, comme une oeuvre d'art. C'est très fantastique, cela n'appelle pas le doute.

Borges nomme son recueil fiction parce qu'il veut que nous croyions qu'il s'agit d'un faux, parce qu'il y a en réalité beaucoup de vrais dans le récit.

Le propos de Tlon, uqbar, Orbis Tertius est simple : Un mégalomane américain commissionne, savant, artistes, géographes, etc., pour créer l'encyclopédie en 20 volumes du pays illusoire et inventé d'Uqbar. Parmi les informations relatives à la vie sur ce pays, l'encyclopédie précise que Tlon est un monde imaginaire pour les habitants d'Uqbar. Mais que ce monde intervient dans le leur, en y générant des objets parfaits nés de l'espoir des Uqbariens. À la fin de la nouvelle, l'encyclopédie est terminée. Notre monde découvre, et s'amourache, de la vie ordonnée et précise d'Uqbar. Alors Tlon s'insinue aussi dans notre monde, et nous devenons Uqbar.

Borges relate la première influence d'Uqbar sur le monde. Il dit qu'une comtesse trouva lors d'un déménagement une petite boussole portant l'alphabet unique de Tlon pour indiquer un nord différent. Cette trouvaille est précise. La seconde fut faite en présence de Borges. Dans un bar, un alcoolique est retrouvé mort au matin par Borges. Dans ses poches il trouve un petit cône d'une matière bien plus lourde que tout ce qui existe sur terre.

On constate pour ces deux premières apparitions du monde fictif d'Uqbar dans la réalité, Borges est vraisemblablement présent au deux. La boussole de la comtesse est trop anecdotique, pour qu'il n'en soit pas un témoin direct. Quand deux évènements exceptionnels sont observés par une seule personne il est plus juste statistiquement de supposer que ce témoin a en fait joué un rôle pour provoquer ces deux évènements.

Dans le cas de Borges, il a sans doute placé la boussole chez une comtesse de ses amies, puis le cône lourd dans les poches de l'alcoolique. Du moins c'est la conclusion que le lecteur de la nouvelle est amené à se faire. Il est plus simple de penser que Borges a placé ses deux objets que de croire que deux objets créés par idéalisme à partir d'une encyclopédie apparaissent sans raison sur terre, à chaque fois à proximité de Borges.

S'il a placé ces artéfacts, C'est que Borges aussi participe au projet de l'américain. La nouvelle, elle-même n'est qu'une tentative supplémentaire d'invoquer Tlon et ses artéfacts parfaits dans notre monde.

Le titre étrange en est la preuve. « Orbis Tertius » n'apparait qu'une fois en passant dans la nouvelle. Mettre ce terme dans le titre ne sert qu'un seul propos : finir l'acrostiche du titre : T,U,O,T.. Qui a l'envers signifie « TOUT » parce que la nouvelle entend bien « Tout » créer à partir de rien, presque rien: L'histoire d'un monde qui n'existe pas.

mercredi 20 mai 2015

Mad Max, la route furieuse, se termine mal




Aucun détail du dernier Mad Max (fury road) n'est l'effet du hasard. La chaine, qui retient Mad Max au Garçon de guerre, sert d'arme dans le combat avec Furiosa puis accroche l'arbre qui sert à désembourber le camion. L'arbre et les animaux étranges qui l'entourent servent de signe sur ce qu'il est advenu de « l'endroit vert ». Le décompte des munitions et des quatre balles du gros flingue est essentiel quand il s'agit de tirer sur « Gros Pied ». Les femmes du Harem ont chacune une fonction nécessaire à l'histoire, l'une trahit, l'une sert de motivation à la colère d'Immortan Joe, l'une retourne un ennemi, la dernière prie.

Chaque détail compte le plus important est sans doute ce que fait Max. Max, hormis les combats et sa fonction de « globular », ne fait que deux choses : il conduit et... il dessine une carte;
Car ce qui est important dans Mad Max est de savoir où se déroule le film. Parce que ce n'est que si l'on sait où le film se déroule que l'on peut comprendre tout ce qui se passe à la fin, et surtout ce qu'il s'est passé avant.

Parce qu'Immortan Joe (L'immortel Joe en français) est présenté comme un être sensible. Il ne vend pas l'eau aux mendiants, il la donne, en abondance par pure bonté d'âme. Il prévient qu'il ne faut pas devenir dépendant. Plus tard, il manque mourir pour éviter de blesser une des femmes.
C'est important.

Revenons au lieu de la forteresse. Furiosa, dans sa toute première phrase déclare qu'elle met « cap à l'Est ». Parce que le lieu est important, c'est aussi pour cela que la seule activité de Max est de dessiner une carte.
Furiosa part à l'Est. Après plusieurs heures (1 journée), elle se retrouve devant le désert de sel.
Dans ce monde apocalyptique où l'eau a disparu, un désert de sel ne peut être qu'une seule chose : un ancien océan désormais asséché.
Nous savons donc que la citadelle se trouve à l'ouest d'un ancien océan. Puis Max (qui s'y connait en cartes) déclare que si Furiosa voyage 160 jours à travers le désert de sel elle ne trouvera rien. 160 jours en moto c'est un long trajet. Même si l'on considère que les voyageuses roulent prudemment, économisent l'essence, et s'arrêtent régulièrement, elles font au moins 100 km par jour. Donc Max estime que le désert de sel continue sur au moins 16 000km.
Nous ne sommes donc pas aux États-Unis comme on aurait pu le croire.
Le seul Océan où l'on peut couvrir cette distance sans voir une terre (sans sortir du désert de sel) est le Pacifique. Si l'on part de l'Afrique.

Le reste du film prend alors sens: La citadelle se trouve à portée de vue d'une raffinerie. Le pétrole abonde ici. Le dictateur possède un harem, il vêt ses femmes de voiles. Nous sommes au Moyen-Orient. La citadelle se trouve sur une montagne : Alamut.

Alamut, l'autre citadelle où régnait le « vieux de la montagne » (Immortan possède aussi un nom qui évoque son âge).
Alamut, repaire de la secte des « Hashishin » qui se jetaient du haut de ses murailles sur un simple ordre pour rejoindre le paradis (« Sois témoin »). Les Assassins sont drogués aux Haschich, comme les « garçons de guerre » à la bombe aérosol, avant de se suicider.

Immortan Joe, le vieux de la Montagne, est un héros. Il fait le bien, fait vivre une communauté. Alain dans « de la guerre » décrit la scène ou les croisés sont témoins du pouvoir du vieux de la montagne qui envoie ses hommes à la mort sur un ordre. Il déclare que le vrai pouvoir consiste à placer un homme entre l'obéissance absolue et la mort immédiate. Ce philosophe nous livre une information inutile à propos du pouvoir détenu par vieux de la montagne. Ce qui compte c'est que le pouvoir absolu détenu par le maître de la citadelle va (selon cet autre philosophe) le corrompre absolument.

C'est pour cela que Furiosa (un bon nom de méchant) est acclamé à son arrivée. Parce que comme Immortan Joe, elle est charismatique et pétrie de bonne intention. Comme lui elle finira un dictateur blessé avec ses propres excès. C'est pour cela que Max s'en va. Alamut, il connait, il en a tracé la carte, il sait que rien ne résiste à sa corruption.



samedi 18 avril 2015

Dans The Myst, chaque prédiction se réalise


Dans le film de Frank Darabont de 2007, inspiré de la nouvelle du même titre de Stephen King (« Brume » en français), tout se réalise selon un plan.

La fin du film (que King préféra à sa propre fin) est annoncée dès le début. Parce que toute l'histoire est à la gloire de Mme Carmody.
Quand tout le monde prend conscience que sortir du supermarché revient à s'exposer à une mort certaine aux griffes de créature innommable, Mme Carmody commence son prêche.
Mme Carmody prie le seigneur parce que la situation est désespérée. Carmody reproche aux habitants leurs péchés. Elle prétend qu'ils ont attiré sur eux les monstruosités parce qu'ils ont rejeté le divin.
Mme Carmody, du début du film, jusqu'après sa mort, aura toujours raison contre le héros et ses amis.
Après la disparition de la première victime, elle annonce que quelqu'un mourra durant la nuit. Les autres la moque, on rappelle qu'elle est connue dans le village pour son excentricité. On sous-entend même qu'elle est un peu limitée. Elle ne se trompe pas. Durant la nuit quelqu'un meurt, et l'espèce de scorpion vivant l'épargne elle.
Quand David propose de sortir du supermarché pour chercher des médicaments, elle prévient que cela va mal finir et que l'expédition va attirer des créatures. L'expédition se passe mal. Des créatures sont attirées. Elle propose de sacrifier un militaire dont on vient d'apprendre qu'ils sont responsables de l'arrivée des monstres. Quand le militaire est donné en pâture à une espèce de crabe géant, le calme revient dans le supermarché.
Elle annonce que la nuit sera calme et que le lendemain il faudra de nouveau aviser un prochain sacrifice. La nuit est calme.

Mais la vraie prédiction de Mme Carmody se déroule dans les dix premières minutes dans le supermarché. Elle annonce qu'ils sont tous désormais en enfer après que le supermarché soit victime d'une espèce de long tremblement de terre. Elle annonce qu'il faudra faire comme Abraham, et être prêt à sacrifier son propre fils pour apaiser Dieu.
À la fin c'est ce qui se passe. Le héros David s'est échappé dans une voiture avec son fils et ses alliés. Mme Carmody a été tuée. Elle s'effondre les bras en croix une balle dans la tête. Sa position en croix, mises en avant par un long plan fixe qui la montre en entier, le sang à son front et à son coeur ne laisse aucun doute sur l'évocation que le personnage représente : le christ crucifié.
David s'est échappé, il a fait quelque kilomètre. La voiture n'a plus d'essence, les monstres se rapprochent. Il utilise les dernières balles du revolver pour tuer son fils et ses amis avant que les monstres ne leur fassent subir un sort pire.

Une fois que le père a sacrifié son fils, l'armée apparait et sauve la ville. C'est du moins ce qu'il semble. C'est la seconde prédiction de Carmody. En sacrifiant son fils, on apaisera Dieu. Mais ce n'est pas tout. Elle a aussi prévenu qu'ils étaient désormais tous en enfer.
C'est là où ils sont. La brume n'est pas un portail vers un autre monde démoniaque qui a attiré des bestioles de l'enfer. La Brume a transporté le supermarché et la région en enfer.

C'est pour cela que l'armée ne surgit pas de l'extérieur, mais de la base située au-dessus de la ville ; C'est pour cela que Mme Carmody a prévenu qu'ils étaient en Enfer. C'est pour cela qu'il y a eut l'étrange tremblement de terre au début. Ce n'était pas un tremblement. C'était le déplacement de la région à travers la brume vers l'enfer.

Toute la ville, l'armée, les habitants survivants, n'ont aucun espoir: ils sont tous sur un monde hostile et démoniaque.

mercredi 18 mars 2015

Le syndrome de Bob l'éponge




Nous avons vu la dernière fois que Bob l'éponge n'est pas un enfant dans le film sorti en 2004.
Il a la cinquantaine. Pourquoi donc chacun insiste pour l'appeler « un enfant » ? De Mr Krabs, à Planckton, en passant par princesse Mindy, le roi Neptune, et le méchant Dennis.

Il y a un parallèle significatif avec un autre personnage qui tient à rester un enfant.
Quand Peter Pan ne peut pas revenir à Neverland s'il devient adulte; Bob ne peux pas aller à Shell City s'il reste enfant.
Quand Peter fait tout pour rester un enfant, Bob tente de passer pour un adulte à tout prix. Quand la fée Clochette donne de la poudre « magique » pour voler (alors qu'il suffit de le vouloir), la sirène Mindy donne de fausses moustaches pour rendre adulte (alors que Bob et Patrick le sont déjà).

C'est dans ces différences que réside la subversion du dessin animé de Bob l'éponge.
En 1983 , Dan   Kiley rencontre le succès en publiant une prétendue analyse appelée « le syndrome de Peter Pan ». Il prétend que certains adultes refusent de grandir. Ils sont atteints d'un syndrome identique à ce qu'exprime Peter Pan : Refut des responsabilités, refus de l'engagement, activités puériles.
Le livre a un succès malgré son manque de rigueur scientifique. Tout l'argument fonctionne à l'aide d'un argument d'autorité, et d'un effet Barnum : nous reconnaissons facilement chez nous certains traits généraux, si on nous les présente comme personnel par quelqu'un dont nous croyons la compétence.

Il n'y a pas de syndrome de Peter Pan. Ou plutôt, chacun regrette plus ou moins son enfance et a plus ou moins de mal à s'engager, et à prendre des décisions importantes et graves.

Bob l'éponge révèle le vrai moteur derrière ce prétendu syndrome.
Ce n'est pas que les adultes se comportent comme des enfants à l'instar de Peter Pan. C'est plutôt que la société a intérêt à infantiliser ses membres.

Pour ne pas accorder de promotion à Bob, son supérieur le qualifie d'« immature ». C'est une solution simple pour lui refuser pouvoir et argent. C'est une solution que la société moderne utilise à chaque instant. Le principe même de promotion à l'ancienneté repose sur ce postulat. Prétendre l'immaturité (la jeunesse) est le moyen pour ceux au pouvoir d'empêcher aux autres d'y accéder.

Pourtant quand Bob propose d'aller à Shell City, la ville dangereuse dont personne n'est revenu, Neptune qui se moquait de son état d'enfant, n'a plus aucune objection.
L'immaturité qui empêche de gérer un restaurant n'est pas un obstacle pour se faire tuer. C'est ce que dénonce le film de Bob l'éponge :

La jeunesse est un défaut si l'on veut réussir dans la société. C'est un atout, si l'on doit mourir pour son pays.

Bob l'éponge n'est pas un enfant. Il est pourtant le sacrifice désigné pour rechercher la couronne du roi. Il y a d'autres enfants à qui l'on nie toutes espèces d'avantages et de droits dans nos sociétés. On leur laisse pourtant le droit de mourir pour nos intérêts financiers. Comble du sarcasme, on les appelle « les enfants de la patrie »







mercredi 18 février 2015

Bob l'éponge n'est pas un enfant





 « Bob l'éponge » est un dessin animé subversif. Ce n'est pas une simple satire grossière du monde moderne comme peut l'être South Park ou les Simsons. C'est bien plus subtil et subversif. C'est sans doute ce qui participe au succès de la série.

Dans le film de Bob l'éponge sorti en 2004, tout le monde insiste pour rappeler à Bob qu'il n'est qu'un enfant. Lui et Patrick finissent même par croire le postulat : ils disent d'eux même qu'ils ne sont que des enfants. Le final montre Bob qui déclare au méchant Plankton qu'il est un enfant, mais que malgré cela il a pu retrouver la couronne de Neptune, affronter le cyclope, etc.Tout cela, comme souvent quand l'on insiste autant sur un point, est faux.

Bob n'est pas un enfant.

Au début du film, il rappelle qu'il a été employé du mois au « Crabe Croustillant », pendant 374 mois consécutifs. 374 mois si l'on calcule, cela fait plus de trente ans. Sans compter les mois où il n'a pas été vainqueur, ni ceux non consécutifs, ni le fait qu'il a vécu avant de travailler chez Mr Crabs.
Bob est dans sa cinquantaine, au mieux.

374 mois, ce n'est pas une erreur de script. La plaisanterie des 374 mois est particulièrement mise en évidence dans une séquence qui montre un mur complet de portrait de Bob qui crie son nom. Ce n'est pas une erreur quand tout le moteur du film tourne autour du fait que Bob est « un enfant ».

374 mois, ce n'est pas un jeu sur la durée de vie d'une éponge (ou d'une étoile de mer, dans le cas de Patrick). La scène ou Bob se saoule avec de la glace, et surtout le lendemain sa gueule de bois, Bob défait, et usé, le présente comme un adulte qui a passé une soirée trop arrosée. Avoir 50 ans pour une éponge ou une étoile de mer c'est comme avoir 50 ans pour un humain. C'est être âgé. En tout cas, ce n'est certainement pas être un enfant.

374 mois, ce n'est pas parce que Bikini bottom fonctionne sur un autre calendrier que le nôtre. Les durées sont identiques. La preuve Bob à 6 jours pour chercher la couronne. Il y a bien 6 jours complets qui passent : première nuit, lui et Patrick arrivent au bar. Seconde, ils franchissent la tranchée. Au moins, une nuit passe quand ils se retrouvent capturés par le cyclope. Donc on a déjà au moins quatre jours. Si l'on considère le retour sur le dos de David Hasselhof, on approche des cinq, six jours. Donc même si pour Bikini Bottom six jours passe pour nous en 4 jours, les 374 mois représentent encore près de vingt ans.

Non Bob n'est pas un enfant.
La prochaine fois nous verrons en quoi c'est subversif, et comment ce détail participe à une critique virulente de notre société.

mercredi 14 janvier 2015

Le Loup et l'agneau est une fable quantique



Nous avons déjà constaté avec la fable du Lièvre et de la Tortue que LaFontaine est un philosophe novateur. Si dans l'autre fable il résout le paradoxe de Zénon, dans celle du Loup et de l'Agneau il frappe encore plus fort.


Il est très important de remarquer que cette fable, contrairement à toutes les autres, commence par la « morale ». On nous l'a enseigné jeune. C'est sans doute tout ce qui nous en reste, ces deux vers éternels : "La raison du plus fort est toujours la meilleure / Nous l'allons montrer tout à l'heure".

Ils sont importants à tout point de vue ces deux vers. Ils présentent la morale de la fable dès le début : pour que nous ne nous focalisions pas dessus, comme pour l'écarter. Le but est plus retors encore.
Ils provoquent aussi un étrange sentiment d'incompréhension. Le "tout à l'heure" ne s'applique pas au passé comme nous en avons l'habitude. Ces deux vers annoncent en fait le thème réel de la fable. Cette fable parle du Temps. Le Temps des philosophes, le mystère ultime que nos physiciens cherchent encore à expliquer. Toutes les équations le prouvent, il n'y a aucune raison que le temps aillent du passé vers le futur. Aucune raison, aucune preuve non plus. Cela LaFontaine nous l'a dit dans cette fable il y a plus de quatre cents ans.

LaFontaine reprend ici une fable de Phèdre. Chez Phèdre, tous les éléments sont déjà là : le loup boit en amont de l'agneau. Le loup accuse l'agneau d'avoir médit de lui l'année précédente. L'agneau rappelle qu'il n'était pas né. Le loup mange l'agneau. Deux différences : La moralité est bien à la fin chez Phèdre. Et le "Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. -je n'en est point" était chez Phèdre "Si ce n'est pas toi, c'est ton père"
Nous allons voir pourquoi le philosophe LaFontaine se distingue dans ces détails de Phèdre.

Mais d'abord, parlons du problème que résout LaFontaine dans cette Fable. La pensée du grec Héraclite dit "personne ne se baigne deux fois dans le même fleuve".
Borges nous rappelle que la pensée est subtile parce que nous comprenons d'abord aisément que le fleuve où je me baigne cette année ne peut pas être celui de l'année dernière. Toute l'eau s'en est écoulée. Comme nous acceptons cette conclusion de façon évidente, nous croyons découvrir et acceptons plus aisément la seconde conclusion : nous avons changé entre cette année et l'année dernière. Même si l'eau était restée la même, on ne se baignerait quand même jamais dans la même eau, parce que NOUS sommes différents d'un instant à l'autre. La doctrine d'Héraclite repose dessus : tout change, rien n'est immuable.
LaFontaine réfute ce raisonnement.

D'abord, il nie que l'eau du fleuve est changée. C'est pour cela que le loup accuse l'agneau de polluer son eau en buvant en amont. Le cours du fleuve importe peu. Pour le fabuliste, qu'importe que l'eau s’écoule : si nous buvons, nous polluons l'ensemble du fleuve. L'idée parait saugrenue. Elle est actuellement envisagée avec beaucoup de sérieux, par les physiciens qui tentent de trouver une explication au temps. Pour eux aussi, quatre cents ans après LaFontaine, il n'y a aucune raison que le fleuve coule dans une direction particulière.

À l'époque LaFontaine ne pouvait pas exprimer sa philosophie de façon aussi limpide. C'est pour cela qu'il recourt à la fable. Il nie l'écoulement du fleuve. Il nie l'existence du temps.
Il le fait dans les deux changements opérés par rapport à Phèdre. Il signale que ce n'est pas le père qui a médit du loup, mais son frère. Le père de l'agneau a parfaitement pu légitimement médire du loup par le passé — si le temps existe tel que nous le connaissons —. LaFontaine, lui, remplace le père, par le frère. Si le temps n'existe pas, il n'y a pas besoin d'un père pour maudire du loup, n'importe qui — ton frère, ton contemporain, qui, lui non plus, n'existait pas l'an dernier — a médit du loup. Parce que la malédiction est éternelle, elle ne s'est pas passé l'an dernier, elle était là de toute éternité. Chaque agneau, toujours, a médit du loup.

Mais la preuve décisive de la volonté de LaFontaine de nier le temps dans sa fable est dans la moralité. Il la place au début. Il prétend que nous l'avons déjà entendu « tout à l'heure », ou que nous allons l'entendre. C'est volontairement que la formulation est confuse. Parce que nous l'avons toujours entendu. Nous l'avons entendu chez Phèdre, nous l'avons toujours su : la raison du plus fort est la meilleure.

 Borges a écrit « Nouvelle réfutation du temps ». Ce titre est une forme de plaisanterie. C'est dans ce texte qu'il parle d'Héraclite et qu'il nie que le temps existe. C'est aussi dans cet article qu'il prétend que chaque auteur est tout les auteurs. Il me plait de croire qu'il savait que LaFontaine, Phèdre, et le futur physicien qui prouvera la non-existence du temps, sont tous le même individu.