mercredi 14 octobre 2015

Le film "Ex Machina" est un conte merveilleux




Le film « ex machina » prétend être la ré-écriture du vieux mythe français de Barbe bleu. Il ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet. L'inventeur est caractéristique avec une barbe fournie, jamais encore vu au cinéma. Le nom de la société qui l'a rendu riche est « bluebook ». C'est bien entendu un clin d'oeil à facebook. C'est aussi bleu parce que les compagnies technologiques utilisent le même bleu dans leur logo (twitter, microsoft, facebook, et c'est même la seule couleur répétée chez le multicolore google). Mais c'est surtout bleu parce que le film raconte l'histoire de barbe bleue :
Un riche homme demande à son épouse de ne pas ouvrir une pièce du château. Quand elle ouvre cette pièce, elle découvre les cadavres des femmes précédentes de l'homme. Comme Caleb découvre les premières versions du robot.

L'histoire est fantastique. Dans le sens qu'elle ne prétend pas à la véracité du propos, mais à enseigner une morale, faire passer un message. Tout comme le conte de barbe bleue veut communiquer que la curiosité est un vilain défaut. Dès le début le film postule le fantastique de son propos par la première ligne parlée :
L'empire de Nathan s'étend déjà sur 2 heures de vol. C'est impossible. Un hélicoptère vole facilement à 200km/h. En deux heures cela fait 400 km. Si l'on considère que l'hélicoptère atteint le centre de la propriété par la route la plus courte, on doit admettre que la propriété s'étend encore sur au moins 400 km des autres côtés. Cela fait un terrain de plus de 800 km par 800. Plus grand que la France, sous une latitude tempérée propre à l'agriculture avec des réserves d'eau. Un particulier, aussi riche soit-il, ne peut posséder un terrain de la surface d'un pays. Tout cela n'est pas réel, dit le film. Ceci est un conte improbable qui reprend les éléments du conte de Barbe Bleue. Mais l'enseignement, ici, est différent.

Parce que justement, Nathan représente trop parfaitement Barbe Bleue. Il faut admettre qu'il s'agit d'une diversion. Comme il nous rappelle qu'il en fit une en déchirant le dessin. Diversion pour cacher une caméra. Diversion, pour dissimuler le vrai Barbe Bleue du film : la muette Kyoko.
D'abord bien évidemment parce que c'est elle la meurtrière. Comme Barbe Bleue dans le conte.
C'est pour cela qu'on la voit danser en parfaite synchronisation avec Nathan, pour montrer visuellement l'identité des deux personnages. C'est pour cela que Nathan frappe Kyoko à la mâchoire, et lui ôte la moitié basse du visage : pour lui enlever la Barbe Bleue invisible, pour éliminer le monstre en elle.
Et après tout, c'est Kyoko aussi qui a tué les femmes précédentes en héritant de leur mémoire.

Mais si Kyoko est Barbe Bleue, tuée par Nathan l'autre Barbe Bleue officiel en lui ôtant sa Barbe Bleue/mâchoire avant de mourir à son tour, la morale du conte devient limpide, simple et optimiste : Le danger n'est pas les robots, les IA, les moteurs de recherche intrusifs, et les opérateurs de téléphone qui capturent nos images à notre insu. Le danger c'est notre part d'ombre, notre monstre intérieur, notre Barbe Bleue qui causera fatalement notre perte parce que nous avons préféré garder cette part de nous à nos côtés, par plaisir, par facilité. C'est notre côté obscur le réel danger.