mercredi 18 novembre 2015

Où vont les fusées de Gattaca?








Dans le film Gattaca (1997), les noms ont une signification. Ainsi Eugène, l'homme parfait auquel le héros prend les fragments d'ADN est celui qui a les « gènes ». Vincent, prononcé en anglais « win-cent » est celui qui « gagne sans » (sous entendus sans les gènes).
Ce sont des noms étranges, européens, parce que leur sonorité et l'implication dans l'histoire sont importantes. Pourtant le nom le plus étrange est celui de l'organisme spatial. Pourquoi un organisme spatial prendrait-il un nom composé des éléments de la double hélice d'ADN ? C'est comme si la NASA décidait de prendre un nom basé sur les écoles prestigieuses ou elle recrute ses membres.
De plus, si l'on choisit un nom basé sur les éléments d'ADN pourquoi un nom aussi long pourquoi ne pas prendre simplement les 4 bases GATC. Si l'on veut composer un mot qui sonne mieux pourquoi celui-là, plutôt que GATAC (qui évoque l'attaque), ou AGACT (qui peut se prononcer comme « A gate » ou « la porte », sous-entendue « vers les étoiles »), ou n'importe quelle autre combinaison ?
Gattaca est une agence spatiale. Rien de plus. Son nom pourtant n'évoque aucune conquête. Si on prend en compte que le « A » en anglais se prononce souvent « é ». Alors Gattaca peut se prononcer comme « Get a Key ». Trouve la clé.

Gattaca n'est pas une agence spatiale.
 La mission sur Titan est mal préparée, il suffit d'envoyer une simple sonde pour déterminer ce qui se cache sous la couche de nuage que Vincent illustre en soufflant la fumée de sa cigarette sur son verre de vin.
Vincent promet de revenir 1 an plus tard. Pourtant on n'a aucun voyageur qui semble être revenu de son voyage spatial. On pourrait penser que Vincent passionné par l'espace aurait à coeur d'interroger une de ses idoles pour savoir ce qui se passe là-haut. 
Gattaca veille avec passion à s'assurer la valeur génétique de ses employés. Si la prise de sang pour entrée peut s'assimiler à un simple contrôle d'identité remplaçant un contrôle de carte comme on en aurait actuellement, le reste des contrôles est superflu.
 Pourquoi vérifier l'état génétique des employés dans leurs exercices physiques ? Le responsable de l'agence prétend qu'il s'agit de s'assurer que chacun des membres atteint son potentiel. Mais alors, pourquoi imposer aux hommes qu'elle envoie dans l'espace de fréquent contrôle d'urine. Aucun potentiel ne change d'un contrôle d'urine à l'autre.

Gattaca sélectionne les meilleurs éléments de l'espèce humaine. Elle les envoie avec régularité sur d'autres planètes. Aucun ne semble jamais revenir. Gattaca  a une mission eugénique qui s'expose par son nom en plus de ses pratiques. Il y a deux possibilités à la réelle fonction de l'agence. Soit, elle traque les meilleurs humains pour créer une société d'homme « parfait » sur d'autres planètes. Soit, et c'est sans doute sa véritable fonction, elle les envoie à une mort certaine.
Après tout, si vous aviez le moyen de sélectionner tous les êtres supérieurs à vous. Votre première réaction serait sans doute de les envoyer mourir au loin. Pour cela que le plan ou Eugene se suicide correspond au plan ou Vincent part dans la fusée. Les flammes du  réacteur de la fusée reflètent les flammes de la chambre de crémation.
Vincent part pour mourir comme meurent tous ceux qui embarquent dans les fusées qui partent régulièrement. Pour cela que personne à bord de ces fusées n'est équipé de scaphandre.



mercredi 14 octobre 2015

Le film "Ex Machina" est un conte merveilleux




Le film « ex machina » prétend être la ré-écriture du vieux mythe français de Barbe bleu. Il ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet. L'inventeur est caractéristique avec une barbe fournie, jamais encore vu au cinéma. Le nom de la société qui l'a rendu riche est « bluebook ». C'est bien entendu un clin d'oeil à facebook. C'est aussi bleu parce que les compagnies technologiques utilisent le même bleu dans leur logo (twitter, microsoft, facebook, et c'est même la seule couleur répétée chez le multicolore google). Mais c'est surtout bleu parce que le film raconte l'histoire de barbe bleue :
Un riche homme demande à son épouse de ne pas ouvrir une pièce du château. Quand elle ouvre cette pièce, elle découvre les cadavres des femmes précédentes de l'homme. Comme Caleb découvre les premières versions du robot.

L'histoire est fantastique. Dans le sens qu'elle ne prétend pas à la véracité du propos, mais à enseigner une morale, faire passer un message. Tout comme le conte de barbe bleue veut communiquer que la curiosité est un vilain défaut. Dès le début le film postule le fantastique de son propos par la première ligne parlée :
L'empire de Nathan s'étend déjà sur 2 heures de vol. C'est impossible. Un hélicoptère vole facilement à 200km/h. En deux heures cela fait 400 km. Si l'on considère que l'hélicoptère atteint le centre de la propriété par la route la plus courte, on doit admettre que la propriété s'étend encore sur au moins 400 km des autres côtés. Cela fait un terrain de plus de 800 km par 800. Plus grand que la France, sous une latitude tempérée propre à l'agriculture avec des réserves d'eau. Un particulier, aussi riche soit-il, ne peut posséder un terrain de la surface d'un pays. Tout cela n'est pas réel, dit le film. Ceci est un conte improbable qui reprend les éléments du conte de Barbe Bleue. Mais l'enseignement, ici, est différent.

Parce que justement, Nathan représente trop parfaitement Barbe Bleue. Il faut admettre qu'il s'agit d'une diversion. Comme il nous rappelle qu'il en fit une en déchirant le dessin. Diversion pour cacher une caméra. Diversion, pour dissimuler le vrai Barbe Bleue du film : la muette Kyoko.
D'abord bien évidemment parce que c'est elle la meurtrière. Comme Barbe Bleue dans le conte.
C'est pour cela qu'on la voit danser en parfaite synchronisation avec Nathan, pour montrer visuellement l'identité des deux personnages. C'est pour cela que Nathan frappe Kyoko à la mâchoire, et lui ôte la moitié basse du visage : pour lui enlever la Barbe Bleue invisible, pour éliminer le monstre en elle.
Et après tout, c'est Kyoko aussi qui a tué les femmes précédentes en héritant de leur mémoire.

Mais si Kyoko est Barbe Bleue, tuée par Nathan l'autre Barbe Bleue officiel en lui ôtant sa Barbe Bleue/mâchoire avant de mourir à son tour, la morale du conte devient limpide, simple et optimiste : Le danger n'est pas les robots, les IA, les moteurs de recherche intrusifs, et les opérateurs de téléphone qui capturent nos images à notre insu. Le danger c'est notre part d'ombre, notre monstre intérieur, notre Barbe Bleue qui causera fatalement notre perte parce que nous avons préféré garder cette part de nous à nos côtés, par plaisir, par facilité. C'est notre côté obscur le réel danger.


mercredi 16 septembre 2015

Les téléphones portables n'ont jamais eu de succès




Il convient d'abord d'écarter certains mythes liés aux téléphones portables. Mais en écartant ces mythes nous nous rappellerons que c'est nous, nous-mêmes qui les avons développés pour nous même. C'est une illusion que nous maintenons contre toutes les évidences. Nous voulons croire que nous utilisons un téléphone. Ce n'a jamais été le cas.

  • Mythe 1 : Les téléphones portables servent à parler
Au début, c'est ainsi que les portables ont été présentés: la possibilité de parler à nos proches/collègues à tout moment, en quelque lieu que nous soyons. Si professionnellement ça peut vaguement se justifier pour certaines activités très précises (vendeurs-représentants), personne n'a jamais utilisé son téléphone en ce sens. Bien sûr on appelle un ami, de la famille, quand on marche sur le trottoir, dans le train, ou pour les plus irresponsables depuis nos voitures. Mais le propos n'est jamais d'avoir une conversation: il s'agit de préciser une heure d'arrivée, une question pratique, un retard éventuel, une annonce de ponctualité, une confirmation. Ce n'est pas de la communication, avec un échange d'idée et d'opinions, c'est un échange factuel destiné à clarifier.

  • Mythe 2 : Les téléphones permettent d'être joignable
L'argument central en faveur du prétendu téléphone est la possibilité d'être accessible à tout moment ou que nous soyons. Si nous écoutons les zélateurs de cet usage, notre vie est en danger si nous n'avons pas de moyens d'être contactés. Certains vieillards sur des bancs vermoulus, ou des animateurs de journaux télévisés racontent qu'Untel était perdu dans les bois quand il a pu laisser un message. Plus souvent, Untel avait crevé sur la nationale, mais grâce à son téléphone il a appelé un dépanneur. Encore plus régulièrement, au point que c'est devenu une blague, un cliché, un point d'ancrage des mauvais comiques : le téléphone permet de savoir s'il faut ramener du pain de la boulangerie. Cette blague persiste depuis si longtemps parce qu'elle illustre parfaitement l'absence totale d'utilité de téléphone. Le seul moyen de l'utiliser dans sa fonction salvatrice d'être joignable tout le temps, et de l'utiliser au moment trivial de faire les commissions. Rien d'un outil pour sauver des vies, tout juste un sauvetage du repas du soir.

Ces deux mythes sont révélés comme tels, par l'usage réel des téléphones. Les portables ont commencé à devenir omniprésents début 2000 quand les textos ont fait leurs apparitions. À partir de là, ce « téléphone » est devenu notre outil préféré. Parce qu'il permet, non pas ,de téléphoner (c'est tout au plus une fonction accessoire agréable, comme la photo, ou le lecteur de musique), mais surtout de communiquer par texte.

Parce que l'outil que nous voulons avec nous à tout instant est un simple ordinateur. Sa fonction n'a jamais été de communiquer. Sa fonction est de nous distraire. Sa fonction est au contraire de couper, d'empêcher, d'interdire même, toute communication avec notre entourage.
Parce que nous sommes assaillis de stimulus sociaux, parce qu'il y a du monde partout dans les rues, les métros, aux cafés, sur les bancs. Trop de personne, dont nous souhaitons à tout prix nous soustraire : on sort son ordinateur de poche. Tranquille.

Il y a une raison pour laquelle les autres formes d'ordinateur de poches ne marcheront jamais (je le dis ici pour dans 50 ans). Les lunettes de google, les montres d'apple, les colliers, bagues, ou même les vêtements avec connexions WiFi qu'un futur inventeur se hâtera de créer en espérant répliquer le succès de l'ordinateur de poche qui a pris le nom de « téléphone » ; tous ces accessoires ne marcheront jamais. Il a fallu la connexion d'un ordinateur avec l'illusion de prétendre qu'il s'agit d'un téléphone pour que nous utilisions des ordinateurs de poches.

Parce que :

  • Mythe3 : Nous souhaitons être connectés
L'ordinateur de poche nous convient parce qu'il évite le rapprochement, la proximité avec l'entourage direct. Le téléphone permet de nous extraire de la société. Pour cela qu'il devient de plus en plus grand : pour cacher à nos yeux le reste du monde. Pour cela qu'il contient des jeux ennuyeux et répétitifs, parce qu'il ne s'agit pas de s'amuser, mais de passer le temps hors de chez soi en gardant l'illusion de rester chez soi. Pour cela qu'il doit être connecté : parce qu'il faut pouvoir vérifier sur internet l'auteur d'une chanson, le nom d'un acteur, la météo du jour, plutôt que de continuer la discussion à propos de la chanson, du film, ou du temps du jour. Tout pour ne pas interagir. Tout pour nous déconnecter du réel.

C'est pour cela que le seul gadget qui nous permet d'utiliser un ordinateur de poche au quotidien ne peut être qu'un objet mythique qui prétend enrichir nos relations. On l'a appelé « téléphone » parce qu'on ne parle à personne avec . Nous l'utilisons pour tous les moyens par lesquels il nous distance des autres. Pour rester loin. Et nous refusons d'admettre cette réalité, parce qu'elle revient à admettre que nous sommes des goujats.