samedi 18 avril 2015

Dans The Myst, chaque prédiction se réalise


Dans le film de Frank Darabont de 2007, inspiré de la nouvelle du même titre de Stephen King (« Brume » en français), tout se réalise selon un plan.

La fin du film (que King préféra à sa propre fin) est annoncée dès le début. Parce que toute l'histoire est à la gloire de Mme Carmody.
Quand tout le monde prend conscience que sortir du supermarché revient à s'exposer à une mort certaine aux griffes de créature innommable, Mme Carmody commence son prêche.
Mme Carmody prie le seigneur parce que la situation est désespérée. Carmody reproche aux habitants leurs péchés. Elle prétend qu'ils ont attiré sur eux les monstruosités parce qu'ils ont rejeté le divin.
Mme Carmody, du début du film, jusqu'après sa mort, aura toujours raison contre le héros et ses amis.
Après la disparition de la première victime, elle annonce que quelqu'un mourra durant la nuit. Les autres la moque, on rappelle qu'elle est connue dans le village pour son excentricité. On sous-entend même qu'elle est un peu limitée. Elle ne se trompe pas. Durant la nuit quelqu'un meurt, et l'espèce de scorpion vivant l'épargne elle.
Quand David propose de sortir du supermarché pour chercher des médicaments, elle prévient que cela va mal finir et que l'expédition va attirer des créatures. L'expédition se passe mal. Des créatures sont attirées. Elle propose de sacrifier un militaire dont on vient d'apprendre qu'ils sont responsables de l'arrivée des monstres. Quand le militaire est donné en pâture à une espèce de crabe géant, le calme revient dans le supermarché.
Elle annonce que la nuit sera calme et que le lendemain il faudra de nouveau aviser un prochain sacrifice. La nuit est calme.

Mais la vraie prédiction de Mme Carmody se déroule dans les dix premières minutes dans le supermarché. Elle annonce qu'ils sont tous désormais en enfer après que le supermarché soit victime d'une espèce de long tremblement de terre. Elle annonce qu'il faudra faire comme Abraham, et être prêt à sacrifier son propre fils pour apaiser Dieu.
À la fin c'est ce qui se passe. Le héros David s'est échappé dans une voiture avec son fils et ses alliés. Mme Carmody a été tuée. Elle s'effondre les bras en croix une balle dans la tête. Sa position en croix, mises en avant par un long plan fixe qui la montre en entier, le sang à son front et à son coeur ne laisse aucun doute sur l'évocation que le personnage représente : le christ crucifié.
David s'est échappé, il a fait quelque kilomètre. La voiture n'a plus d'essence, les monstres se rapprochent. Il utilise les dernières balles du revolver pour tuer son fils et ses amis avant que les monstres ne leur fassent subir un sort pire.

Une fois que le père a sacrifié son fils, l'armée apparait et sauve la ville. C'est du moins ce qu'il semble. C'est la seconde prédiction de Carmody. En sacrifiant son fils, on apaisera Dieu. Mais ce n'est pas tout. Elle a aussi prévenu qu'ils étaient désormais tous en enfer.
C'est là où ils sont. La brume n'est pas un portail vers un autre monde démoniaque qui a attiré des bestioles de l'enfer. La Brume a transporté le supermarché et la région en enfer.

C'est pour cela que l'armée ne surgit pas de l'extérieur, mais de la base située au-dessus de la ville ; C'est pour cela que Mme Carmody a prévenu qu'ils étaient en Enfer. C'est pour cela qu'il y a eut l'étrange tremblement de terre au début. Ce n'était pas un tremblement. C'était le déplacement de la région à travers la brume vers l'enfer.

Toute la ville, l'armée, les habitants survivants, n'ont aucun espoir: ils sont tous sur un monde hostile et démoniaque.

mercredi 18 mars 2015

Le syndrome de Bob l'éponge




Nous avons vu la dernière fois que Bob l'éponge n'est pas un enfant dans le film sorti en 2004.
Il a la cinquantaine. Pourquoi donc chacun insiste pour l'appeler « un enfant » ? De Mr Krabs, à Planckton, en passant par princesse Mindy, le roi Neptune, et le méchant Dennis.

Il y a un parallèle significatif avec un autre personnage qui tient à rester un enfant.
Quand Peter Pan ne peut pas revenir à Neverland s'il devient adulte; Bob ne peux pas aller à Shell City s'il reste enfant.
Quand Peter fait tout pour rester un enfant, Bob tente de passer pour un adulte à tout prix. Quand la fée Clochette donne de la poudre « magique » pour voler (alors qu'il suffit de le vouloir), la sirène Mindy donne de fausses moustaches pour rendre adulte (alors que Bob et Patrick le sont déjà).

C'est dans ces différences que réside la subversion du dessin animé de Bob l'éponge.
En 1983 , Dan   Kiley rencontre le succès en publiant une prétendue analyse appelée « le syndrome de Peter Pan ». Il prétend que certains adultes refusent de grandir. Ils sont atteints d'un syndrome identique à ce qu'exprime Peter Pan : Refut des responsabilités, refus de l'engagement, activités puériles.
Le livre a un succès malgré son manque de rigueur scientifique. Tout l'argument fonctionne à l'aide d'un argument d'autorité, et d'un effet Barnum : nous reconnaissons facilement chez nous certains traits généraux, si on nous les présente comme personnel par quelqu'un dont nous croyons la compétence.

Il n'y a pas de syndrome de Peter Pan. Ou plutôt, chacun regrette plus ou moins son enfance et a plus ou moins de mal à s'engager, et à prendre des décisions importantes et graves.

Bob l'éponge révèle le vrai moteur derrière ce prétendu syndrome.
Ce n'est pas que les adultes se comportent comme des enfants à l'instar de Peter Pan. C'est plutôt que la société a intérêt à infantiliser ses membres.

Pour ne pas accorder de promotion à Bob, son supérieur le qualifie d'« immature ». C'est une solution simple pour lui refuser pouvoir et argent. C'est une solution que la société moderne utilise à chaque instant. Le principe même de promotion à l'ancienneté repose sur ce postulat. Prétendre l'immaturité (la jeunesse) est le moyen pour ceux au pouvoir d'empêcher aux autres d'y accéder.

Pourtant quand Bob propose d'aller à Shell City, la ville dangereuse dont personne n'est revenu, Neptune qui se moquait de son état d'enfant, n'a plus aucune objection.
L'immaturité qui empêche de gérer un restaurant n'est pas un obstacle pour se faire tuer. C'est ce que dénonce le film de Bob l'éponge :

La jeunesse est un défaut si l'on veut réussir dans la société. C'est un atout, si l'on doit mourir pour son pays.

Bob l'éponge n'est pas un enfant. Il est pourtant le sacrifice désigné pour rechercher la couronne du roi. Il y a d'autres enfants à qui l'on nie toutes espèces d'avantages et de droits dans nos sociétés. On leur laisse pourtant le droit de mourir pour nos intérêts financiers. Comble du sarcasme, on les appelle « les enfants de la patrie »







mercredi 18 février 2015

Bob l'éponge n'est pas un enfant





 « Bob l'éponge » est un dessin animé subversif. Ce n'est pas une simple satire grossière du monde moderne comme peut l'être South Park ou les Simsons. C'est bien plus subtil et subversif. C'est sans doute ce qui participe au succès de la série.

Dans le film de Bob l'éponge sorti en 2004, tout le monde insiste pour rappeler à Bob qu'il n'est qu'un enfant. Lui et Patrick finissent même par croire le postulat : ils disent d'eux même qu'ils ne sont que des enfants. Le final montre Bob qui déclare au méchant Plankton qu'il est un enfant, mais que malgré cela il a pu retrouver la couronne de Neptune, affronter le cyclope, etc.Tout cela, comme souvent quand l'on insiste autant sur un point, est faux.

Bob n'est pas un enfant.

Au début du film, il rappelle qu'il a été employé du mois au « Crabe Croustillant », pendant 374 mois consécutifs. 374 mois si l'on calcule, cela fait plus de trente ans. Sans compter les mois où il n'a pas été vainqueur, ni ceux non consécutifs, ni le fait qu'il a vécu avant de travailler chez Mr Crabs.
Bob est dans sa cinquantaine, au mieux.

374 mois, ce n'est pas une erreur de script. La plaisanterie des 374 mois est particulièrement mise en évidence dans une séquence qui montre un mur complet de portrait de Bob qui crie son nom. Ce n'est pas une erreur quand tout le moteur du film tourne autour du fait que Bob est « un enfant ».

374 mois, ce n'est pas un jeu sur la durée de vie d'une éponge (ou d'une étoile de mer, dans le cas de Patrick). La scène ou Bob se saoule avec de la glace, et surtout le lendemain sa gueule de bois, Bob défait, et usé, le présente comme un adulte qui a passé une soirée trop arrosée. Avoir 50 ans pour une éponge ou une étoile de mer c'est comme avoir 50 ans pour un humain. C'est être âgé. En tout cas, ce n'est certainement pas être un enfant.

374 mois, ce n'est pas parce que Bikini bottom fonctionne sur un autre calendrier que le nôtre. Les durées sont identiques. La preuve Bob à 6 jours pour chercher la couronne. Il y a bien 6 jours complets qui passent : première nuit, lui et Patrick arrivent au bar. Seconde, ils franchissent la tranchée. Au moins, une nuit passe quand ils se retrouvent capturés par le cyclope. Donc on a déjà au moins quatre jours. Si l'on considère le retour sur le dos de David Hasselhof, on approche des cinq, six jours. Donc même si pour Bikini Bottom six jours passe pour nous en 4 jours, les 374 mois représentent encore près de vingt ans.

Non Bob n'est pas un enfant.
La prochaine fois nous verrons en quoi c'est subversif, et comment ce détail participe à une critique virulente de notre société.