mercredi 20 mai 2015

Mad Max, la route furieuse, se termine mal




Aucun détail du dernier Mad Max (fury road) n'est l'effet du hasard. La chaine, qui retient Mad Max au Garçon de guerre, sert d'arme dans le combat avec Furiosa puis accroche l'arbre qui sert à désembourber le camion. L'arbre et les animaux étranges qui l'entourent servent de signe sur ce qu'il est advenu de « l'endroit vert ». Le décompte des munitions et des quatre balles du gros flingue est essentiel quand il s'agit de tirer sur « Gros Pied ». Les femmes du Harem ont chacune une fonction nécessaire à l'histoire, l'une trahit, l'une sert de motivation à la colère d'Immortan Joe, l'une retourne un ennemi, la dernière prie.

Chaque détail compte le plus important est sans doute ce que fait Max. Max, hormis les combats et sa fonction de « globular », ne fait que deux choses : il conduit et... il dessine une carte;
Car ce qui est important dans Mad Max est de savoir où se déroule le film. Parce que ce n'est que si l'on sait où le film se déroule que l'on peut comprendre tout ce qui se passe à la fin, et surtout ce qu'il s'est passé avant.

Parce qu'Immortan Joe (L'immortel Joe en français) est présenté comme un être sensible. Il ne vend pas l'eau aux mendiants, il la donne, en abondance par pure bonté d'âme. Il prévient qu'il ne faut pas devenir dépendant. Plus tard, il manque mourir pour éviter de blesser une des femmes.
C'est important.

Revenons au lieu de la forteresse. Furiosa, dans sa toute première phrase déclare qu'elle met « cap à l'Est ». Parce que le lieu est important, c'est aussi pour cela que la seule activité de Max est de dessiner une carte.
Furiosa part à l'Est. Après plusieurs heures (1 journée), elle se retrouve devant le désert de sel.
Dans ce monde apocalyptique où l'eau a disparu, un désert de sel ne peut être qu'une seule chose : un ancien océan désormais asséché.
Nous savons donc que la citadelle se trouve à l'ouest d'un ancien océan. Puis Max (qui s'y connait en cartes) déclare que si Furiosa voyage 160 jours à travers le désert de sel elle ne trouvera rien. 160 jours en moto c'est un long trajet. Même si l'on considère que les voyageuses roulent prudemment, économisent l'essence, et s'arrêtent régulièrement, elles font au moins 100 km par jour. Donc Max estime que le désert de sel continue sur au moins 16 000km.
Nous ne sommes donc pas aux États-Unis comme on aurait pu le croire.
Le seul Océan où l'on peut couvrir cette distance sans voir une terre (sans sortir du désert de sel) est le Pacifique. Si l'on part de l'Afrique.

Le reste du film prend alors sens: La citadelle se trouve à portée de vue d'une raffinerie. Le pétrole abonde ici. Le dictateur possède un harem, il vêt ses femmes de voiles. Nous sommes au Moyen-Orient. La citadelle se trouve sur une montagne : Alamut.

Alamut, l'autre citadelle où régnait le « vieux de la montagne » (Immortan possède aussi un nom qui évoque son âge).
Alamut, repaire de la secte des « Hashishin » qui se jetaient du haut de ses murailles sur un simple ordre pour rejoindre le paradis (« Sois témoin »). Les Assassins sont drogués aux Haschich, comme les « garçons de guerre » à la bombe aérosol, avant de se suicider.

Immortan Joe, le vieux de la Montagne, est un héros. Il fait le bien, fait vivre une communauté. Alain dans « de la guerre » décrit la scène ou les croisés sont témoins du pouvoir du vieux de la montagne qui envoie ses hommes à la mort sur un ordre. Il déclare que le vrai pouvoir consiste à placer un homme entre l'obéissance absolue et la mort immédiate. Ce philosophe nous livre une information inutile à propos du pouvoir détenu par vieux de la montagne. Ce qui compte c'est que le pouvoir absolu détenu par le maître de la citadelle va (selon cet autre philosophe) le corrompre absolument.

C'est pour cela que Furiosa (un bon nom de méchant) est acclamé à son arrivée. Parce que comme Immortan Joe, elle est charismatique et pétrie de bonne intention. Comme lui elle finira un dictateur blessé avec ses propres excès. C'est pour cela que Max s'en va. Alamut, il connait, il en a tracé la carte, il sait que rien ne résiste à sa corruption.



samedi 18 avril 2015

Dans The Myst, chaque prédiction se réalise


Dans le film de Frank Darabont de 2007, inspiré de la nouvelle du même titre de Stephen King (« Brume » en français), tout se réalise selon un plan.

La fin du film (que King préféra à sa propre fin) est annoncée dès le début. Parce que toute l'histoire est à la gloire de Mme Carmody.
Quand tout le monde prend conscience que sortir du supermarché revient à s'exposer à une mort certaine aux griffes de créature innommable, Mme Carmody commence son prêche.
Mme Carmody prie le seigneur parce que la situation est désespérée. Carmody reproche aux habitants leurs péchés. Elle prétend qu'ils ont attiré sur eux les monstruosités parce qu'ils ont rejeté le divin.
Mme Carmody, du début du film, jusqu'après sa mort, aura toujours raison contre le héros et ses amis.
Après la disparition de la première victime, elle annonce que quelqu'un mourra durant la nuit. Les autres la moque, on rappelle qu'elle est connue dans le village pour son excentricité. On sous-entend même qu'elle est un peu limitée. Elle ne se trompe pas. Durant la nuit quelqu'un meurt, et l'espèce de scorpion vivant l'épargne elle.
Quand David propose de sortir du supermarché pour chercher des médicaments, elle prévient que cela va mal finir et que l'expédition va attirer des créatures. L'expédition se passe mal. Des créatures sont attirées. Elle propose de sacrifier un militaire dont on vient d'apprendre qu'ils sont responsables de l'arrivée des monstres. Quand le militaire est donné en pâture à une espèce de crabe géant, le calme revient dans le supermarché.
Elle annonce que la nuit sera calme et que le lendemain il faudra de nouveau aviser un prochain sacrifice. La nuit est calme.

Mais la vraie prédiction de Mme Carmody se déroule dans les dix premières minutes dans le supermarché. Elle annonce qu'ils sont tous désormais en enfer après que le supermarché soit victime d'une espèce de long tremblement de terre. Elle annonce qu'il faudra faire comme Abraham, et être prêt à sacrifier son propre fils pour apaiser Dieu.
À la fin c'est ce qui se passe. Le héros David s'est échappé dans une voiture avec son fils et ses alliés. Mme Carmody a été tuée. Elle s'effondre les bras en croix une balle dans la tête. Sa position en croix, mises en avant par un long plan fixe qui la montre en entier, le sang à son front et à son coeur ne laisse aucun doute sur l'évocation que le personnage représente : le christ crucifié.
David s'est échappé, il a fait quelque kilomètre. La voiture n'a plus d'essence, les monstres se rapprochent. Il utilise les dernières balles du revolver pour tuer son fils et ses amis avant que les monstres ne leur fassent subir un sort pire.

Une fois que le père a sacrifié son fils, l'armée apparait et sauve la ville. C'est du moins ce qu'il semble. C'est la seconde prédiction de Carmody. En sacrifiant son fils, on apaisera Dieu. Mais ce n'est pas tout. Elle a aussi prévenu qu'ils étaient désormais tous en enfer.
C'est là où ils sont. La brume n'est pas un portail vers un autre monde démoniaque qui a attiré des bestioles de l'enfer. La Brume a transporté le supermarché et la région en enfer.

C'est pour cela que l'armée ne surgit pas de l'extérieur, mais de la base située au-dessus de la ville ; C'est pour cela que Mme Carmody a prévenu qu'ils étaient en Enfer. C'est pour cela qu'il y a eut l'étrange tremblement de terre au début. Ce n'était pas un tremblement. C'était le déplacement de la région à travers la brume vers l'enfer.

Toute la ville, l'armée, les habitants survivants, n'ont aucun espoir: ils sont tous sur un monde hostile et démoniaque.

mercredi 18 mars 2015

Le syndrome de Bob l'éponge




Nous avons vu la dernière fois que Bob l'éponge n'est pas un enfant dans le film sorti en 2004.
Il a la cinquantaine. Pourquoi donc chacun insiste pour l'appeler « un enfant » ? De Mr Krabs, à Planckton, en passant par princesse Mindy, le roi Neptune, et le méchant Dennis.

Il y a un parallèle significatif avec un autre personnage qui tient à rester un enfant.
Quand Peter Pan ne peut pas revenir à Neverland s'il devient adulte; Bob ne peux pas aller à Shell City s'il reste enfant.
Quand Peter fait tout pour rester un enfant, Bob tente de passer pour un adulte à tout prix. Quand la fée Clochette donne de la poudre « magique » pour voler (alors qu'il suffit de le vouloir), la sirène Mindy donne de fausses moustaches pour rendre adulte (alors que Bob et Patrick le sont déjà).

C'est dans ces différences que réside la subversion du dessin animé de Bob l'éponge.
En 1983 , Dan   Kiley rencontre le succès en publiant une prétendue analyse appelée « le syndrome de Peter Pan ». Il prétend que certains adultes refusent de grandir. Ils sont atteints d'un syndrome identique à ce qu'exprime Peter Pan : Refut des responsabilités, refus de l'engagement, activités puériles.
Le livre a un succès malgré son manque de rigueur scientifique. Tout l'argument fonctionne à l'aide d'un argument d'autorité, et d'un effet Barnum : nous reconnaissons facilement chez nous certains traits généraux, si on nous les présente comme personnel par quelqu'un dont nous croyons la compétence.

Il n'y a pas de syndrome de Peter Pan. Ou plutôt, chacun regrette plus ou moins son enfance et a plus ou moins de mal à s'engager, et à prendre des décisions importantes et graves.

Bob l'éponge révèle le vrai moteur derrière ce prétendu syndrome.
Ce n'est pas que les adultes se comportent comme des enfants à l'instar de Peter Pan. C'est plutôt que la société a intérêt à infantiliser ses membres.

Pour ne pas accorder de promotion à Bob, son supérieur le qualifie d'« immature ». C'est une solution simple pour lui refuser pouvoir et argent. C'est une solution que la société moderne utilise à chaque instant. Le principe même de promotion à l'ancienneté repose sur ce postulat. Prétendre l'immaturité (la jeunesse) est le moyen pour ceux au pouvoir d'empêcher aux autres d'y accéder.

Pourtant quand Bob propose d'aller à Shell City, la ville dangereuse dont personne n'est revenu, Neptune qui se moquait de son état d'enfant, n'a plus aucune objection.
L'immaturité qui empêche de gérer un restaurant n'est pas un obstacle pour se faire tuer. C'est ce que dénonce le film de Bob l'éponge :

La jeunesse est un défaut si l'on veut réussir dans la société. C'est un atout, si l'on doit mourir pour son pays.

Bob l'éponge n'est pas un enfant. Il est pourtant le sacrifice désigné pour rechercher la couronne du roi. Il y a d'autres enfants à qui l'on nie toutes espèces d'avantages et de droits dans nos sociétés. On leur laisse pourtant le droit de mourir pour nos intérêts financiers. Comble du sarcasme, on les appelle « les enfants de la patrie »