mercredi 24 juin 2015

Tlon, Uqbar, Orbis Tertius est un projet volontaire de Borges





Il est étonnant que Jorges Luis Borges ait intitulé « Fictions » le recueil qui contient la célèbre nouvelle « Tlon, Uqbar, Orbis Tertius ». La seconde surprise est le titre ésotérique de cette nouvelle. Nous allons voir que ces deux dénominations sont cohérentes et liées.

Pourquoi appeler un recueil « Fictions » ? Ce serait comme intituler un roman « Roman ». Certains présomptueux sans talent l'ont sans doute déjà fait. Mais « Fictions » n'a pas la même portée prétentieuse que « Roman ». Cela nuit à l'ouvrage, puisque le rôle de la fiction, c'est justement de donner l'illusion de la vérité. C'est pour cela que tant de fiction se présente comme des témoignages. Prévenir que ce que le lecteur va lire est une « fiction » défait même le propos du contenu du livre. Surtout que ce livre contient de nombreux récits d'autofiction (avant que le terme ne soit inventé), mettant en scène Borges, et prétendant à la vérité.

Borges a-t-il eu l'intention de ne pas nous tromper ? A-t-il écrit « Tlon, Uqbar, Orbis Tertius », qui raconte l'histoire de la découverte par Borges (l'auteur donc) d'une encyclopédie, qui n'existe qu'à un seul exemplaire, pour nous tromper : en se mettant en scène ? Puis, prit en quelque sorte de remords, a-t-il intitulé le recueil « fiction » pour ne pas nous tromper, et nous rappeler que tout est faux dans ce recueil ?

Non. La nouvelle, et toutes les autres ne sont pas croyables. Personne même en l'absence du titre « fiction » n'irait les prendre pour des témoignages. Un livre y génère des objets qui n'existent pas sur notre planète, un perçoit l'influence d'un homme inconnu, mais parfait à travers la mesquinerie des gens qu'il rencontre, un homme décide de réécrire Don Quichotte, mot pour mot, comme une oeuvre d'art. C'est très fantastique, cela n'appelle pas le doute.

Borges nomme son recueil fiction parce qu'il veut que nous croyions qu'il s'agit d'un faux, parce qu'il y a en réalité beaucoup de vrais dans le récit.

Le propos de Tlon, uqbar, Orbis Tertius est simple : Un mégalomane américain commissionne, savant, artistes, géographes, etc., pour créer l'encyclopédie en 20 volumes du pays illusoire et inventé d'Uqbar. Parmi les informations relatives à la vie sur ce pays, l'encyclopédie précise que Tlon est un monde imaginaire pour les habitants d'Uqbar. Mais que ce monde intervient dans le leur, en y générant des objets parfaits nés de l'espoir des Uqbariens. À la fin de la nouvelle, l'encyclopédie est terminée. Notre monde découvre, et s'amourache, de la vie ordonnée et précise d'Uqbar. Alors Tlon s'insinue aussi dans notre monde, et nous devenons Uqbar.

Borges relate la première influence d'Uqbar sur le monde. Il dit qu'une comtesse trouva lors d'un déménagement une petite boussole portant l'alphabet unique de Tlon pour indiquer un nord différent. Cette trouvaille est précise. La seconde fut faite en présence de Borges. Dans un bar, un alcoolique est retrouvé mort au matin par Borges. Dans ses poches il trouve un petit cône d'une matière bien plus lourde que tout ce qui existe sur terre.

On constate pour ces deux premières apparitions du monde fictif d'Uqbar dans la réalité, Borges est vraisemblablement présent au deux. La boussole de la comtesse est trop anecdotique, pour qu'il n'en soit pas un témoin direct. Quand deux évènements exceptionnels sont observés par une seule personne il est plus juste statistiquement de supposer que ce témoin a en fait joué un rôle pour provoquer ces deux évènements.

Dans le cas de Borges, il a sans doute placé la boussole chez une comtesse de ses amies, puis le cône lourd dans les poches de l'alcoolique. Du moins c'est la conclusion que le lecteur de la nouvelle est amené à se faire. Il est plus simple de penser que Borges a placé ses deux objets que de croire que deux objets créés par idéalisme à partir d'une encyclopédie apparaissent sans raison sur terre, à chaque fois à proximité de Borges.

S'il a placé ces artéfacts, C'est que Borges aussi participe au projet de l'américain. La nouvelle, elle-même n'est qu'une tentative supplémentaire d'invoquer Tlon et ses artéfacts parfaits dans notre monde.

Le titre étrange en est la preuve. « Orbis Tertius » n'apparait qu'une fois en passant dans la nouvelle. Mettre ce terme dans le titre ne sert qu'un seul propos : finir l'acrostiche du titre : T,U,O,T.. Qui a l'envers signifie « TOUT » parce que la nouvelle entend bien « Tout » créer à partir de rien, presque rien: L'histoire d'un monde qui n'existe pas.

mercredi 20 mai 2015

Mad Max, la route furieuse, se termine mal




Aucun détail du dernier Mad Max (fury road) n'est l'effet du hasard. La chaine, qui retient Mad Max au Garçon de guerre, sert d'arme dans le combat avec Furiosa puis accroche l'arbre qui sert à désembourber le camion. L'arbre et les animaux étranges qui l'entourent servent de signe sur ce qu'il est advenu de « l'endroit vert ». Le décompte des munitions et des quatre balles du gros flingue est essentiel quand il s'agit de tirer sur « Gros Pied ». Les femmes du Harem ont chacune une fonction nécessaire à l'histoire, l'une trahit, l'une sert de motivation à la colère d'Immortan Joe, l'une retourne un ennemi, la dernière prie.

Chaque détail compte le plus important est sans doute ce que fait Max. Max, hormis les combats et sa fonction de « globular », ne fait que deux choses : il conduit et... il dessine une carte;
Car ce qui est important dans Mad Max est de savoir où se déroule le film. Parce que ce n'est que si l'on sait où le film se déroule que l'on peut comprendre tout ce qui se passe à la fin, et surtout ce qu'il s'est passé avant.

Parce qu'Immortan Joe (L'immortel Joe en français) est présenté comme un être sensible. Il ne vend pas l'eau aux mendiants, il la donne, en abondance par pure bonté d'âme. Il prévient qu'il ne faut pas devenir dépendant. Plus tard, il manque mourir pour éviter de blesser une des femmes.
C'est important.

Revenons au lieu de la forteresse. Furiosa, dans sa toute première phrase déclare qu'elle met « cap à l'Est ». Parce que le lieu est important, c'est aussi pour cela que la seule activité de Max est de dessiner une carte.
Furiosa part à l'Est. Après plusieurs heures (1 journée), elle se retrouve devant le désert de sel.
Dans ce monde apocalyptique où l'eau a disparu, un désert de sel ne peut être qu'une seule chose : un ancien océan désormais asséché.
Nous savons donc que la citadelle se trouve à l'ouest d'un ancien océan. Puis Max (qui s'y connait en cartes) déclare que si Furiosa voyage 160 jours à travers le désert de sel elle ne trouvera rien. 160 jours en moto c'est un long trajet. Même si l'on considère que les voyageuses roulent prudemment, économisent l'essence, et s'arrêtent régulièrement, elles font au moins 100 km par jour. Donc Max estime que le désert de sel continue sur au moins 16 000km.
Nous ne sommes donc pas aux États-Unis comme on aurait pu le croire.
Le seul Océan où l'on peut couvrir cette distance sans voir une terre (sans sortir du désert de sel) est le Pacifique. Si l'on part de l'Afrique.

Le reste du film prend alors sens: La citadelle se trouve à portée de vue d'une raffinerie. Le pétrole abonde ici. Le dictateur possède un harem, il vêt ses femmes de voiles. Nous sommes au Moyen-Orient. La citadelle se trouve sur une montagne : Alamut.

Alamut, l'autre citadelle où régnait le « vieux de la montagne » (Immortan possède aussi un nom qui évoque son âge).
Alamut, repaire de la secte des « Hashishin » qui se jetaient du haut de ses murailles sur un simple ordre pour rejoindre le paradis (« Sois témoin »). Les Assassins sont drogués aux Haschich, comme les « garçons de guerre » à la bombe aérosol, avant de se suicider.

Immortan Joe, le vieux de la Montagne, est un héros. Il fait le bien, fait vivre une communauté. Alain dans « de la guerre » décrit la scène ou les croisés sont témoins du pouvoir du vieux de la montagne qui envoie ses hommes à la mort sur un ordre. Il déclare que le vrai pouvoir consiste à placer un homme entre l'obéissance absolue et la mort immédiate. Ce philosophe nous livre une information inutile à propos du pouvoir détenu par vieux de la montagne. Ce qui compte c'est que le pouvoir absolu détenu par le maître de la citadelle va (selon cet autre philosophe) le corrompre absolument.

C'est pour cela que Furiosa (un bon nom de méchant) est acclamé à son arrivée. Parce que comme Immortan Joe, elle est charismatique et pétrie de bonne intention. Comme lui elle finira un dictateur blessé avec ses propres excès. C'est pour cela que Max s'en va. Alamut, il connait, il en a tracé la carte, il sait que rien ne résiste à sa corruption.



samedi 18 avril 2015

Dans The Myst, chaque prédiction se réalise


Dans le film de Frank Darabont de 2007, inspiré de la nouvelle du même titre de Stephen King (« Brume » en français), tout se réalise selon un plan.

La fin du film (que King préféra à sa propre fin) est annoncée dès le début. Parce que toute l'histoire est à la gloire de Mme Carmody.
Quand tout le monde prend conscience que sortir du supermarché revient à s'exposer à une mort certaine aux griffes de créature innommable, Mme Carmody commence son prêche.
Mme Carmody prie le seigneur parce que la situation est désespérée. Carmody reproche aux habitants leurs péchés. Elle prétend qu'ils ont attiré sur eux les monstruosités parce qu'ils ont rejeté le divin.
Mme Carmody, du début du film, jusqu'après sa mort, aura toujours raison contre le héros et ses amis.
Après la disparition de la première victime, elle annonce que quelqu'un mourra durant la nuit. Les autres la moque, on rappelle qu'elle est connue dans le village pour son excentricité. On sous-entend même qu'elle est un peu limitée. Elle ne se trompe pas. Durant la nuit quelqu'un meurt, et l'espèce de scorpion vivant l'épargne elle.
Quand David propose de sortir du supermarché pour chercher des médicaments, elle prévient que cela va mal finir et que l'expédition va attirer des créatures. L'expédition se passe mal. Des créatures sont attirées. Elle propose de sacrifier un militaire dont on vient d'apprendre qu'ils sont responsables de l'arrivée des monstres. Quand le militaire est donné en pâture à une espèce de crabe géant, le calme revient dans le supermarché.
Elle annonce que la nuit sera calme et que le lendemain il faudra de nouveau aviser un prochain sacrifice. La nuit est calme.

Mais la vraie prédiction de Mme Carmody se déroule dans les dix premières minutes dans le supermarché. Elle annonce qu'ils sont tous désormais en enfer après que le supermarché soit victime d'une espèce de long tremblement de terre. Elle annonce qu'il faudra faire comme Abraham, et être prêt à sacrifier son propre fils pour apaiser Dieu.
À la fin c'est ce qui se passe. Le héros David s'est échappé dans une voiture avec son fils et ses alliés. Mme Carmody a été tuée. Elle s'effondre les bras en croix une balle dans la tête. Sa position en croix, mises en avant par un long plan fixe qui la montre en entier, le sang à son front et à son coeur ne laisse aucun doute sur l'évocation que le personnage représente : le christ crucifié.
David s'est échappé, il a fait quelque kilomètre. La voiture n'a plus d'essence, les monstres se rapprochent. Il utilise les dernières balles du revolver pour tuer son fils et ses amis avant que les monstres ne leur fassent subir un sort pire.

Une fois que le père a sacrifié son fils, l'armée apparait et sauve la ville. C'est du moins ce qu'il semble. C'est la seconde prédiction de Carmody. En sacrifiant son fils, on apaisera Dieu. Mais ce n'est pas tout. Elle a aussi prévenu qu'ils étaient désormais tous en enfer.
C'est là où ils sont. La brume n'est pas un portail vers un autre monde démoniaque qui a attiré des bestioles de l'enfer. La Brume a transporté le supermarché et la région en enfer.

C'est pour cela que l'armée ne surgit pas de l'extérieur, mais de la base située au-dessus de la ville ; C'est pour cela que Mme Carmody a prévenu qu'ils étaient en Enfer. C'est pour cela qu'il y a eut l'étrange tremblement de terre au début. Ce n'était pas un tremblement. C'était le déplacement de la région à travers la brume vers l'enfer.

Toute la ville, l'armée, les habitants survivants, n'ont aucun espoir: ils sont tous sur un monde hostile et démoniaque.