mercredi 20 juillet 2016

Dans Exam (2009) il s'agit de planifier un génocide






Dans le film de 2009 Exam de Stuart Hazeldine, les prémices ressemblent beaucoup à ceux de Cube.
Huit candidats sont enfermés dans une salle d'examen. Ils sont tous candidats pour un poste prestigieux dans une organisation prestigieuse. Comme dans Cube, chaque candidat représente un archétype.

Comme dans Cube, il y a un autiste. Il y a un ancien militaire, il y a aussi un représentant de chaque race. Une Asiatique, un Noir, un Indien, une blonde, une brune, une Américaine du Sud, et un nord americain.
Les personnages durant l'examen se rendent compte de cette diversité et postulent qu'elle a un sens.

Parce que, le propos d'Exam, est que les candidats ont une question à laquelle ils doivent répondre en moins de deux heures. Le souci : Ils ignorent la question. Donc ils entreprennent de résoudre ensemble ce problème.

 Comme dans Cube, les personnages essaient de travailler ensemble avant de se retourner les uns contre les autres. Monsieur Blanc, l'archétype du Blanc, est le premier à proposer une solution à lui : être le dernier présent dans la salle d'Exam. Il fait donc éliminer les autres candidats, en utilisant les règles données par l'examinateur au début du film.

Pourtant la ressemblance avec Cube s'arrête là. On apprend réellement à quoi sert l'Exam. On apprend que la terre subit un virus mortel, et que l'organisation qui recrute est celle qui a découvert un antidote.
Le propos de l'Exam est résolu à la fin : il fallait bien découvrir la question cachée, et y répondre sans causer du tort aux autres candidats. Le « vainqueur », madame Blonde, sera en charge de distribuer la nouvelle drogue de l'organisation, une drogue qui accorde l'immortalité aux humains.

Pourtant si contrairement à Cube toutes les questions trouvent une réponse à la fin, il y a une question, posée au début, qui reste sans réponse : pourquoi avoir choisi des candidats appartenant à chaque groupe ethnique?

L'Autiste est le patron de l'organisation. Il s'élimine lui même rapidement. Il cherche, dit-il, à recruter la personne en charge de la distribution de la drogue d'immortalité. Il prétend cela, mais cela ne justifie pas qu'il est placé un membre de chaque ethnie dans la salle d'examen.
Parce que son vrai but est bien plus sinistre. C'est un scientifique fou. Il laisse les candidats se torturer entre eux (certes, il sait qu'il peut les ramener à la vie, mais la douleur reste la même).

Ce scientifique qui a découvert le secret de l'immortalité ne veut pas du tout le distribuer en se basant sur l'empathie, et le talent d'observation d'un candidat (ce qu'il prétend).
Non. Ce scientifique autiste résout son problème de façon scientifique : il place un membre de chaque ethnie dans la salle d'examen. Parce qu'il croit ainsi créer un test scientifique. Il croit pouvoir en une seule épreuve déterminer quelle espèce mérite le plus sa drogue d'immortalité. À la fin, il choisit la blonde.
C'est donc selon son esprit dérangé le modèle d'humanité qui mérite de survivre. Ainsi, il va laisser les noirs, les Indiens, les brunes, les Asiatiques mourir. Il ne sauvera que les blondes. Il est fou.




mercredi 27 avril 2016

Madame Bovary est un conte








Flaubert n'a jamais créé le roman réaliste.
Flaubert a écrit des contes. De son recueil clairement intitulé « trois contes » ; jusqu'à Bouvard & Pecuchet, qui n'est qu'une fable ; En passant par Salamnbo, cette épopée poétique ; Flaubert vise au merveilleux avec ténacité.

Il prétend que Madame Bovary est inspirée d'un fait divers bien réel. Il insiste dans le texte sur le détail réel et concret. Flaubert a dépensé beaucoup d'énergie à présenter son récit comme un fait réel. Cela même devrait nous mettre en garde.

Si l'auteur veille autant à ancrer son roman dans la réalité, c'est parce que c'est tout le contraire. Enfant, petit Flaubert a dû être exposé au récit qui fait sensation depuis sa parution au début du siècle (1808) : les contes de Grimm. Ces contes ont tant d'influence sur l'enfant, qu'il ne veut plus que faire des choses semblables. Ce que, une fois adulte, il veillera à créer avec application.

Un conte en particulier marque le futur écrivain. Il décide d'en relater sa propre version. Mais pour s'écarter au maximum de la source, il décide (à l'opposé de ses habitudes d'écriture féerique) d'en faire un récit très réel.

Comme Blanche Neige, Emma Bovary a la peau très pâle. Comme l'héroïne dans Grimm ses cheveux sont sombres, et elle est très belle.

La scène qui révèle complètement l'influence du conte sur Flaubert et la scène de fin du conte. Chez Grimm, la violence ne s'encombre pas délicatesse sous prétexte que le texte s'adresse à des enfants. Quand Blanche Neige marie le prince charmant, elle invite sa marâtre au mariage. Quand elle est là, elle la force à porter des chaussures de métal chauffé au rouge et à danser jusqu'à ce qu'elle meurt.

Flaubert enfant a été terrorisé par cette scène. Il la reprend avec autant de violence dans son roman. Charles prétend soigner le pied bot d'Hippolyte. Avec autant de détail, il décrit la découpe des tendons, puis la gangrène et la mort de ce personnage secondaire. Toute cette scène du pied bot n'illustre rien. Elle ne fait pas avancer l'intrigue, elle ne qualifie pas mieux les personnages. Elle est cruelle sans raison. Elle n'est là qu'en pendant à la mort de la marâtre de Blanche Neige.

Mais ce n'est pas tout. Autour d'Emma Bovary, il y a beaucoup de personnages secondaires. Combien ? Sept : Charles, Léon, Rodolphe, Monsieur Homais le pharmacien, Lheureux le préteur sur gage, Justin le commis et Binet le percepteur.

Ce que Flaubert n'a pas inclus dans sa ré-écriture c'est un prince charmant. Son récit s'arrête quand Emma mange le poison (la pomme empoisonnée).

Gageons que si le roman avait reçu un accueil favorable (au lieu d'un procès pour atteinte aux bonnes moeurs) nous aurions eu un tome deux.

mercredi 16 mars 2016

Gilgamesh est le récit d'une très très très vieille tradition orale






Il n'y a aucun récit célèbre dans l'histoire de l'humanité qui parle d'amitié.
Don Quichotte est plus le maitre de Sancho Panza, ou l'un est le faire-valoir de l'autre. Achille et Patrocle sont amants. Bouvard et Pecuchet sont les deux facettes de la même pièce, presque un seul individu.

L'amitié n'est pas un sujet de roman, même pas une bonne histoire. Au mieux elle cache un amour secret, au pire, ce n'est que la façon de séparé un personnage en deux.

Sauf pour la toute première histoire de tous les temps : L'épopée de Gilgamesh.

S'il faut raconter la première histoire que l'humanité a jamais écrite : alors c'est histoire de deux amis qui se rencontrent.
Gilgamesh est roi de Sumer. Civilisé, policé et puissant. Pour calmer son orgueil, les dieux créaient un être fruste, indomptable et tout aussi puissant : Enkidu.

Ce n'est pas un hasard que la première histoire de tous les temps soit la rencontre de 2 êtres dissemblables qui se liront d'amitié. C'est parce que cela a dû être l’histoire la plus perturbante de l'humanité, une histoire si perturbante qu'elle nous fascine encore alors que nous avons oublié l'avoir déjà vécu : la rencontre d'une autre race intelligente.

Il y a 40 000 ans, les Sapiens ont la peau noire. Ils sont fragiles, leur seule façon de survivre consiste à rester en groupe social et à chasser en épuisant leur proie. Des coureurs de fond sans fourrure pour les empêcher de transpirer avec des os légers et la pupille blanche qui permet d'indiquer en silence ce que l'on regarde.
Un jour, ils rencontrent une espèce complètement différente. Neandertal vit au nord, il a la peau claire pour absorber le soleil, ses muscles et ses os sont épais, il est lourd, il court mal. Ils vivent un tout petit groupe parce qu'ils sont puissants. Ils digèrent tout.

La rencontre est si traumatisante que les descendants la racontent pendant des milliers d'années au coin du feu. 
C'est pour cela qu'Enkidu est un homme des bois qui parlent aux animaux, c'est ainsi que les Sapiens ont vu Neandertal qui vivait en famille plutôt qu'en tribu. À manger parmi les bêtes avec sa mâchoire puissante.

Comme Gilgamesh apprivoise Enkidu en lui offrant une femme, les Sapiens ont dû agir de même. Nous en sommes le résultat.

Quand Sapiens  et Neandertal décident de vivre ensemble, les Sapiens décident de leur apprendre leur technique de chasse à la course. C'est exactement la façon dont Gilgamesh tue le monstre Humbaba : il l'épuise à la course. Que fait Enkidu, le guerrier invincible ? Participe au combat ? Non ! Les Neandertal ne sont pas fabriqués pour courir si longtemps, ils ont trop de fourrure, des os trop lourds. Enkidu encourage son ami à poursuivre le monstre Humbaba, jusqu'à ce que ce dernier s'effondre « vaincu par la tempête ». Parce que c'est comme cela que Sapiens a toujours tué ses proies : il les poursuit des heures jusqu'à ce que ces dernières épuisées ne puissent plus rafraichir leur corps, et tombent épuisées à bout de souffle. Soufflant comme des tempêtes.

Enkidu comme Neandertal meurent.
 La rencontre avec Sapiens a été fatale. Ils ne se sont pas éliminés. Au contraire, ils ont pu se reproduire entre eux. Seulement Neandertal est une espèce solitaire. Il n'a pas les défenses immunitaires de Sapiens. 
Sapiens vit en troupeau depuis des millénaires les virus ne l'affectent plus trop. Mais dès que Neandertal attrape ses maladies, tout comme les Indiens d'Amérique, les solitaires se font décimer  par la variole, la grippe, la tuberculose...

Gilgamesh est une épopée épique. Le héros affronte des monstres, va en enfer, ramène la plante d'immortalité volée au dieu. Tout cela parce qu'Enkidu est mort.
Enkidu, l'ami de Gilgamesh, l'être qui parle aux bêtes, l'être le plus puissant meurt de la façon la moins épique : il tombe malade, et après une longue agonie s'éteint. 

Cela ne s'invente pas, cela n'est pas romanesque : C'est la réalité. Neandertal est mort tué par les maladies de Sapiens. Partout, tout le temps, jusqu'à sa disparition totale, et l'histoire a été si traumatisants pour Sapiens qui a vu une espèce amie et différente s'éteindre sous ses yeux, qu'ils en ont préservé pour nous l'histoire. Mais nous n'avons jamais plus la ré-écrire, parce que l'expérience de rencontrer une race alien a été oublié.